Un groupe d’actrices algériennes s’est mobilisé, à travers une campagne diffusée sur les réseaux sociaux, contre les violences faites aux femmes qui ont fait au moins 46 victimes dans le pays depuis le début de l’année 2020, selon le projet de veille indépendant féminicides Algérie.
La campagne a débuté la mi-octobre dernier, quand une photo réunissant une vingtaine d’actrices, tous âges confondus, a été postée sur les réseaux sociaux avec comme description : « nous actrices algériennes unies contre les féminicides en Algérie » dans les trois langues arabe, française et anglaise.
Toutes vêtues de noir et entrelacées, la photo qui expriment le refus de ces artistes aux féminicides a été largement diffusée sur les réseaux sociaux. Quelques jours après, des actrices algériennes se trouvant à l’étranger et ne pouvant pas se réunir avec leurs con-sœurs en raison de la fermeture des frontières, ont pris part à cette initiative.
Respectant le dress-code du premier cliché, Zahra Harkat, Sherine Boutella et d’autres ont diffusé des photos d’elles se tenant la main pour dénoncer, elles aussi, le fléau meurtrier qui vise les femmes algériennes.
Intervenant quelques jours après le meurtre de Chaima, l’initiative, perçue comme un rempart contre le silence face à ces crimes, a été applaudie par les internautes. Pour Adila Bendimerad, l’initiatrice de la campagne, le meurtre de Chaima a été « l’horreur de trop ».
« J’ai contacté les premières actrices le lendemain de la mort de Chaïma. Il y a eu beaucoup de féminicides extrêmement choquants en 2020. Mais parfois on se prend tellement de coups qu’on ne trouve pas les mots, la force. La violence et la barbarie lorsqu’elles prennent le dessus ont cet effet désorientant et assommant. Puis un jour il y a eu le meurtre de Chaïma, l’horreur de trop. Là nous avons toutes cherché à mettre des mots et à communiquer avec le reste de la société. trouver les mots et la force de s’unir et vite », a déclaré l’actrice à Interlignes.
Chaima, 19 ans a été retrouvée morte en début octobre. Violée, torturée puis brûlée vive, Chaima serait la 38e victime de féminicide en Algérie depuis le début de l’année 2020. Depuis, 8 autres ont été tuées. Ces chiffres sont communiqués par « Féminicide Algérie », un projet de veille indépendant qui essaye de combler le vide de la communication officielle sur ce sujet.
« Nous espérons un changement des mentalités ».
Jeudi, un mois après la diffusion de la première photo de la campagne et au lendemain de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, une vidéo a été rendue publique dans le cadre de la même initiative.
« Nous actrices algériennes, restons unies contre le féminicide et la violence faite aux femmes. Nous unissons à nouveau nos voix pour appeler à la mobilisation et à l’action contre ce fléau. L’heure est grave. Nous sommes tous concerné(e)s, citoyennes et citoyens, société civile et responsables politiques »
« Ta place est à la cuisine », « baisse ta voix », « rentre à la maison », « couvre-toi », à travers la réalisation audiovisuelle, Bahia Rachedi, Souhila Maalam, Salima Abada, Imene Noel, entre autres, ont dénoncé le silence complice de la société face aux violences commises à l’encontre des femmes en Algérie et espèrent ainsi « changer les mentalités ».
« Nous espérons avant tout un changement des mentalités, un changement des rapports entre les hommes et les femmes et dans lesquels nous serons tous gagnants », nous a confié Adila Bendimerad.
« On ne peut rien prévoir ni artistiquement ni socialement ni politiquement si nous n’avons pas le désir et la volonté du changement. Ce qui est sûr c’est que pour la première fois nous nous sommes unies, pour la première fois nous avons senti combien c’est fort d’être ensemble, et combien il y va de notre survie en tant que femme et qu’artiste », a-t-elle ajouté.
Questionnée sur leurs futures actions dans le cadre de cette initiative, Adila Bendimerad nous répond: « je ne sais pas comment seront les futurs actions. Ça dépendra du désir que nous avons de changer les choses. Que ce soit nous les actrices ou le reste de la société. C’est à nous d’avoir l’envie et la volonté de remettre cet ordre des choses en question et de le renverser ».