L’influent homme d’affaires Ali Haddad, patron du groupe ETRHB et ex président du Forum des chefs d’entreprise (FCE) actuellement en détention, ne doit sa richesse qu’au soutien de Saïd Bouteflika frère du Président déchu et de son hégémonie sur les marchés publics et l’argent des banques. L’homme d’affaire a su, depuis plusieurs années, asseoir son autorité et bâtir un empire financier qui dissimulait de sombres affaires. les conclusions de l’enquête préliminaire publiées sur le journal El Watan révèlent des chiffres qui font tomber à la renverse.
En effet, le Groupe ETRHB a bénéficié depuis l’année 2000 jusqu’à 2019, « de 124 marchés publics (dont la plus grande partie entre 2012 et 2018), d’un montant de 78 410 milliards de centimes », indique la même source.
L’enquête révèle ainsi que le secteur des travaux publics « occupe la première position avec 99 marchés, pour une enveloppe de 56 430 milliards de centimes. Il est suivi de l’hydraulique avec 23 marchés d’un montant de 21 719 milliards de centimes, puis de l’énergie et des mines avec 2 marchés de plus de 261 milliards de centimes ».
Le statut de privilégié accordé à Ali Haddad n’a été possible, selon la même source, que grâce « à sa relation assez solide avec Saïd Bouteflika ».
Ce statut qui lui a permis de bénéficier, selon l’enquête, « de 452 crédits auprès des banques, pour un montant de 211 000 milliards de centimes, dont 167 000 milliards de centimes, soit 83%, ont été accordés par des banques publiques, à leur tête le CPA (Crédit populaire d’Algérie), avec 73 000 milliards de centimes, soit 43% des montants prêtés ». L’enquête révèle également que le nombre d’incidents de remboursement ont atteint 88, dont seulement 4 ont été remboursés par le groupe ETRHB.
Une fortune incommensurable
Le puissant homme d’affaire a pu ériger des fortunes à l’étranger. Les enquêteurs expliquent que celui-ci s’arrangeait « pour être dans des groupements de sociétés avec, comme chef de file, des entreprises étrangères – le portugais Teixeira, les turcs Mapa et Ozgun, les chinois CSCEC et Chec, l’italien Rizzani Todini, les espagnoles Ofcc, Inerica, Enyse – pour qu’elles bénéficient de la plus grande partie des montants transférables à l’étranger ».
Cette pratique lui a ainsi permis d’acheter à Barcelone, en Espagne, l’hôtel Palace « pour un montant de 55 millions d’euros, dont 44 millions proviennent d’un crédit alloué par une banque espagnole, alors que 10 millions d’euros ont été avancés par deux sociétés (5 millions d’euros pour chacune des sociétés Mapa et Teixeira Duarte), des chefs de file dans des groupements avec Haddad en Algérie », ajoute la même source.
Lourdes pertes financières
L’enquête révèle en outre que la majorité des projets confiés à Ali Haddad « ont vu leur prix augmenter » et fait l’objet, par la suite, « d’avenants qui ont suscité de lourdes pertes financières ». Cité a titre d’exemple, « le montant des travaux d’aménagement des gorges de Kherrata, sur la RN9, arrêté à 3 526 333 646 DA et 89 350 880 euros, a connu, après la signature de l’avenant (02) une hausse de 1 250 954 582 DA et de 8 903 685 euros, soit une augmentation de 59% pour la partie en dinars et de 99,6% pour la partie en devises, avec une prolongation du délai de réalisation de 14 mois », développe l’enquête.
Le marché de la réalisation de la ligne de tramway Alger-Est qui a été confié à Haddad, a connu également « de nombreuses violations de la réglementation ». L’homme d’affaire a soumissionné avec Meditrail et Alstom comme chef de file, « pour un montant de 3263 milliards de centimes, dont une grande partie, soit 2300 milliards de centimes, a été transférée en devises ».
« Autre contrat suspicieux, celui de la réalisation de la ligne ferroviaire de 185 km, reliant Relizane-Tiaret-Tisemsilt. Confié au groupement Infrafer-Crgl, le moins disant, ce marché a fait l’objet de recours de la part de l’ETRHB associée avec l’espagnole FCC, mais aussi de Cosider associé à l’italienne Astaldi, qui ont été rejetés par la Commission nationale des marchés en octobre 2009. Non content de ce refus, Haddad saisit, par courrier, le Premier ministre, alors Ahmed Ouyahia, lequel instruit les ministres des Finances et des Transports pour annuler l’attribution provisoire des marchés de réalisation de la ligne ferroviaire Relizane-Tisemsilt ainsi que celle Saïda-Tiaret, attribués à un groupement algéro-chinois et les affecter pour la première ligne à Haddad-FCC et la seconde à Cosider-Astaldi », selon l’enquête.
« Ce contrat, pour un montant de près de 90 milliards de dinars, va connaître six avenants pour atteindre la somme de 102,687 milliards de dinars », ajoute-t-on.
« En 2016, l’ETRHB introduit une demande de réévaluation à la hausse des prix unitaires, acceptée par le ministre des Travaux publics et des Transports, Boudjemaa Talai, alors qu’un rapport du DG de l’Anesrif (Agence nationale d’étude et de suivi des réalisations ferroviaires) affirme que cette réévaluation a engendré une perte sèche de 8 milliards de dinars et que le reste de l’autorisation du programme a atteint 392 millions de dinars précisant que la hausse des besoins du projet est estimée à 25,700 milliards de dinars », rapporte l’enquête.
Une situation qui a poussé le ministre à saisir Abdelmalek Sellal, alors Premier ministre, « par une correspondance dans laquelle il l’informe que l’exécution de l’accord de réévaluation avec l’ETRHB et l’application des montants de change au moment de la signature du même accord ont causé un préjudice financier de 9,600 milliards de dinars, alors que les travaux ne sont qu’à 28% de leur réalisation, tout en demandant des autorisations de programme complémentaire de 15 milliards de dinars pour financer les avenants signés et les travaux restants », est-il rapporté.