L’avocate de la famille Bensmail se dit déçue par le verdict prononcé, jeudi par le juge près le tribunal criminel de Dar El Beida d’Alger. Ce dernier a infligé la peine capitale à 49 accusés jugés dans le cadre de l’assassinat le 11 aout 2021 de Djamel Bensmail, à Larbaa Nath Irathen ( Tizi Ouzou ), et la prison à vie par contumace à 8 accusés, en fuite, dont Ferhat M’henni et quatre de ses collaborateurs, Brahim Belabbes, Rachida Idir, Yacine Drici et Mourad Itim. Le tribunal a condamné à 10 ans de prison ferme 17 accusés et acquitté 17 autres.
Ce verdict n’a pas satisfait l’avocate, Me Ahlem Bendaouda. Très stressée, les mains tremblantes et le regard triste, elle exprime sa « déception ». Elle en explique les raisons : « nous ne nous attendions pas à une telle décision. Parmi les accusés qui ont écopé de 10 ans, il y en a qui étaient sur la scène du crime. Ils apparaissent sur des vidéos soit entrain de prendre part aux violences commises contre le défunt, ou d’inciter à la mutilation, à la torture etc. Ils ont réussi à échapper à la sanction qu’ils méritent. »
C’est pourquoi elle annonce sa décision d’introduire un pourvoi en cassation. « Nous allons faire appel des décisions et nous reviendrons avec les mêmes vidéos et les mêmes photos, pour les confondre une deuxième fois afin que justice soit faite. »
Tôt dans la matinée d’hier, le tribunal a connu une effervescence particulière. Un important dispositif policiers constitué d’éléments des unités des BRI (Brigade de recherche et d’investigation) et des groupes anti-émeute a été déployé autour du bâtiment et ses alentours, mais aussi à l’intérieur, notamment dans la salle d’audience, où devait avoir lieu, le prononcé du verdict qui concerne 102 accusés, dont 8 « en fuite », jugés pour l’assassinat de Djamel Bensmail.
Les fouilles et contrôles d’identité n’ont jamais été aussi stricts que durant ce jeudi, dernière journée d’un procès « marathonien ». Vers 11 heures 30, les accusés font leur apparition. Menottés deux à deux et bien escortés, y compris ceux qui étaient en liberté. Sur les bancs, ils sont bien entourés par des policiers installés au milieu et sur les deux extrémités.
La crainte d’un débordement durant le prononcé du verdict est très visible aussi bien chez les avocats que chez le service d’ordre qui vident une grande partie des bancs, proches de ceux des accusés.
Il est 12 heures, le président fait son entrée avec le reste de la composante du tribunal. Il entame la lecture de la sentence. Mais avant, il prend l’accord des avocats pour ne pas lire les 1300 questions posées par le tribunal lors du délibéré.
Peine capitale conte les accusés filmés sur les lieux du crime
Dans la salle, le regard des accusés est figé sur ses lèvres. Il commence par faire l’appel puis annonce la condamnation à la peine capitale de 49 accusés, tous ceux apparus sur les vidéos et les photos prenant part aux actes de violence et de torture ainsi que d’immolation commis sur le défunt.
Il s’agit de Fouad Hassain, Faradj Moulahcen, Aziz Yaici, Lyes Dekani, Amar Achir, Nacer Mezdad, Mahrez Saadaoui, Ramdane Majbar, Youba Hakim Hadj Ali, Hcene Hmitouch, Lyes Benane, Belaid Hemache, Hocine Khelili, Youcef Amrane, Amar Nekkiche, Amirouche Mouali, Syphax Khellili, Mohan Ameziane Chaibi, Smail Ait Rabah, Ali Benkhelifa, Mohamed Laskri, Sofiane Hamadou, Ferhat Chelah, Hacene Saayoud, Ramdane Belmadani, Mohand Oubelaid Moualek, Yacine Nechak, Azouaou Hedjaz, Youcef Keddache, Amrane Haddad, Ferhat Ferhat ( il portait un pull avec trois lettres ART et est apparu avec le défunt encore en vie lors de son passage sur la web TV Awras, puis dans le fourgon, et entrain de le tirer du fourgon, avant d’être reconnu sur le lieu de l’immolation), Chaabane Mostefaoui (celui que les algériens ont vu sur les vidéos à bord du fourgon entrain de dépouiller, avec violence, le défunt de ses papiers, ses clefs de son téléphone), Zetri Aghiles (celui qui portait le pull noir avec deux lettres AX dorées et qui apparait sur les vidéos, dans le fourgon, entrain de donner un coup de couteau, mais qui avait nié devant le juge), Tarhar Khoualdi (celui qui était dans le fourgon et qui remis le couteau à Zetri), Chaabane Mezari, Said Saadadou, Madjid Guers, tayeb Terriche, Lounis Maaloum, Yazid Yaici, Belkacem Hadj Ali, Moktane Moulahcene, Said Ziane, Madjid Benyoub, Iddir Ouardi (filmé entrain de trancher la gorge calcinée de Bensmail avec un cutter avant d’enlever la tête à coups de pied), Ahmed Guers (celui qui mettait du carton sur le corps calciné du défunt afin de raviver le feu une seconde fois), Gaya Zine (le jeune qui tirait le défunt par le pied et le trainait du commissariat jusqu’à la placette. Il est apparu sur une vidéo justifiant le meurtre et l’immolation de Djamel) et Loucif Chemini. Les visages des accusés se crispent.
Le juge poursuit la lecture des sentences. Il annonce la condamnations à 10 ans de prison ferme assortis d’une amende de 100 000 DA, contre 17 accusés à savoir : Youba Benziane, Ali Bouzar, Athmane Houadi, Abderaouif Ouabed, Kseila Hamadou, Nabila Merouane (apparue sur les vidéos entrain de crier devant le corps calciné du défunt : égorge-le, dépèce le et de filmer la scène de décapitation), Sofiane Zaef, Rabeh Imerzouguen, Syphax Mamo, Amar Hamad, Salem Noukherchoufa, Ouardia Nassi, Ferhat Debiane, Youba Ziane et Bousaad Hanachi. La même peine est infligée à Zakaria Meriouli, Nabil Chemaala et Boussaad Lakrouf, qui étaient en liberté, mais assortie d’un mandat de dépôt à l’audience.
Le tribunal a également prononcé une peine de 5 ans de prison ferme assortie d’une amende de 100 000 DA, contre cinq accusés ; Mouloud Dahmani, Mokrane Hamraoui, Nacer Fridi, Achour Habati, Abdenour Hmarni et Billel Zirmi, une autre de 3 ans de prison ferme et 100 000 DA d’amende, contre quatre accusés, Mohamed Mokrani, Ryad Boukhedach, Rabah Hamadou et Ahmed Yaici, alors qu’une seule accusée, Safia Houassine, a écopé d’une peine de 2 ans de prison ferme assortie d’une amende de 200 000 DA.
Les condamnés doivent verser 20 millions DA au père de Bensmail et 10 millions DA à Algérie Télécom. Ils doivent aussi verser 3 millions de dinars à chacun des deux occupants de la Clio, 20 millions de dinars, au père du défunt, 5 millions de dinars au trésors public, et 10 millions de dinars à Algérie Télécom.
Par ailleurs, 17 accusés ont bénéficié d’un acquittement. Il s’agit de Abdelaziz Benane, Yazid Khellil, Islam Kidji, Ahmed Mhalem, Mohand Belkessam, Anis Khedraoui, Karim Henad, Tahar Yahlali, Amghid Khelili, Mohamed Oubelaid Moualek, Mouloud Medassi, Nadir Lounici, Slimane Abdi, Yoghorta Belkacem, Chaouche Syphax Maamar, Ali Bouzria et Rachid Mamo.
Le président informe les accusés, qu’ils ont dix jours pour contester les décisions, avant que les avocats des parties civiles n’expriment leurs demandes.
La défense de la famille du défunt, réclament au accusés condamnés la somme de 10O millions de dinars, les deux accompagnateurs de Bensmail, qui étaient à bord de la voiture de marque Renault Clio, ont, quant à eux, demandé un dédommagement de 10 millions DA pour chacun, alors que Algérie Télécom qui a estimé avoir subi un préjudice en raison de la destruction de ses équipements lors des évènements, et exigé le versement de 10 million de dommages et intérêt. Le trésor public réclame aussi le même montant.
Me Ahmine, avocat de trois accusés, dont deux ont bénéficié de l’acquittement, conteste. Il estime que le montant exigé par la partie civile, notamment le père du défunt est « inexplicable dans la mesure où la famille a été dédommagée. Elle a reçu une « diya » c’est-à-dire, la somme collectée par les notables de la ville de Larbaa Nath Irathen, comme dédommagement.
L’audience est levée pour statuer sur les demandes et au bout d’une heure, elle reprend avec le prononcé des décisions. Les accusés condamnés sont sommés de payer solidairement la somme de 3 millions de dinars à chacun des deux occupants de la Clio, 20 millions de dinars, au père du défunt, 5 millions de dinars au trésors public, et 10 millions de dinars à Algérie Télécom.
Pour ce qui est des huit accusés en fuite, le tribunal a prononcé une condamnation par contumace, à la prison à perpétuité contre Ferhat Mhenni, le dirigeant du MAK, mouvement séparatiste déclaré par les autorités algériennes, comme étant une « organisation terroriste » mais aussi contre quatre de ses collaborateurs, Brahim Belabbes, Rachida Idir, Yacine Drici et Mourad Itim. Une peine assortie de la confirmation du mandat d’arrêt international lancé contre eux dans le cadre de cette affaire.