Ahmed Attaf au « Washington Post  » : « Je ne vois aucun exemple d’intervention militaire qui ait réussi »

Le ministre des Affaires étrangères de la Communauté nationale à l’étranger, Ahmed Attaf, s’est exprimé sur la crise au Niger dans un entretien paru, aujourd’hui, mardi 15 août 2023, sur le « Washington Post ». « Je ne vois aucun exemple d'intervention militaire dans des cas comme celui-ci qui ait réussi », a-t-il déclaré. « Personne n'est sûr, même au sein de la CEDEAO, que l'intervention militaire ait une chance raisonnable de succès », a-t-il ajouté.
© DR | Ahmed Attaf, ministre des Affaires étrangères

Le ministre des Affaires étrangères de la Communauté nationale à l’étranger, Ahmed Attaf, a accordé, en marge de sa visite effectuée aux Etats-Unis la semaine passée, un entretien au journal américain « Washington Post », publié, aujourd’hui. Les questions ont principalement concerné la crise au Niger, et d’une manière générale, la situation au Sahel.

Le chef de la diplomatie algérienne a mis l’accent, à cet effet, sur les risques éventuels d’une intervention militaire au Niger sur toute la région. « Personnellement, et c’est le cas de beaucoup en Algérie, je ne vois aucun exemple d’intervention militaire dans des cas comme celui-ci qui ait réussi », a-t-il déclaré, avant de citer l’exemple libyen « qui s’est avéré catastrophique pour toute la région ». « Nous en payons le prix », a-t-il lancé.

« Ceux qui ont mené l’intervention étrangère ont quitté le pays (la Libye NDLR). Et ils nous ont laissés avec cette tragédie, avec cette crise sur les bras », a-t-il encore ajouté.

Le ministre a tenu, toutefois, à préciser que « même si la CEDEAO l’envisage, l’intervention militaire est une option de dernier recours », puisque « elle continue d’accorder la priorité à une solution politique et diplomatique et elle travaille sur cette base ». Ceci d’autant, a-t-il enchainé, que « personne n’est sûr, même au sein de la CEDEAO, que l’intervention militaire ait une chance raisonnable de succès ». « Vous pouvez déclencher une intervention militaire, mais vous ne savez jamais comment elle se terminera. Ils sont donc très prudents. Ils font preuve d’un maximum de retenue face à cette option, et ils ont raison de le faire », a déclaré à cet effet Attaf.

Le ministre des Affaires étrangères a, en outre, réaffirmé la position de l’Algérie par rapport à cette crise du Niger. Une position, a-t-il soutenu, partagée avec les Etats-Unis. Il est question donc du « respect de l’ordre constitutionnel et démocratique », du « rétablissement du Président Bazoum en tant que président légitime du Niger » et que « la priorité soit toujours accordée au règlement de la crise ». Trois principes sur lesquels s’ « accordent » l’Algérie et les USA, a-t-il précisé, en ajoutant que les deux parties devront « essayer de travailler ensemble pour traduire ces principes à la réalité politique au Niger ». Ce qui est, de son avis, « l’objet des consultations », algéro-américaines.

« Réserves » de l’Algérie au sujet des sanctions

Ahmed Attaf a expliqué, dans cet entretien, les « réserves » de l’Algérie par rapport aux sanctions prononcées entre autres par la Cédéao à l’encontre du Niger, incluant la fermeture des frontières. « Nous avons de très fortes réserves. Dans cette région, le Mali et le Niger, des populations du côté nigérien de la frontière, viennent se faire soigner dans nos hôpitaux. Ils se déplacent dans notre pays pour le commerce, le tourisme, les produits vitaux. Comment pouvez-vous appliquer des sanctions à cela ? Vous fermez votre frontière et dites aux gens : Vous devez mourir de l’autre côté, vous n’avez pas accès à mes hôpitaux. Qui peut faire ça ? En ce qui concerne les sanctions, nous avons de très fortes réserves car ce sera une action punitive contre la population », a-t-il déclaré.

« Situation sécuritaire délétère même avant le coup d’état »

Pour ce qui est de la situation sécuritaire, dans la région du Sahel, d’une manière générale, et le Niger en particulier, le ministre des Affaires étrangères a estimé qu’elle était « très grave au Niger », même « avant le coup d’État ». Celui-ci a évoqué la région appelée communément la « zone des trois frontières », où il y a une « concentration » des groupes terroristes, qui sont passés à une « étape supérieure » en matière « d’équipements et d’effectifs ».

« Nous avons vraiment affaire dans la région à des armées de terroristes qui menacent directement le Burkina Faso, le Mali, certaines régions du Tchad et le Niger. Et les Américains sont arrivés à la même conclusion : que la situation est très grave et qu’elle nécessite une forte coordination ou une coopération étroite entre les pays de la zone pour relever ce défi », a-t-il ajouté.

Par rapport à la problématique de la migration, Ahmed Attaf a estimé que ce n’était pas seulement une « question politique » qui peut être traitée « dans le cadre d’un accord international », lorsqu’il s’agit du Niger, Mali, Tchad et d’autres régions de l’Afrique de l’Ouest, mais « aussi un énorme enjeu économique ». « Ces populations quittent leur pays, leurs villages parce qu’ils sont à la recherche d’une vie meilleure, et pour certains d’entre eux, pour nourrir leur famille. Il faut s’en occuper politiquement, diplomatiquement. Mais si l’aspect économique n’est pas pris en charge, vous ne réglerez pas le problème », a-t-il estimé.

En dernier lieu, pour ce qui est des relations algéro-américaines, le chef de la diplomatie algérienne a tenu à préciser que la « qualité des relations entre deux pays » est évaluée par le « niveau du dialogue ». Il a rappelé, dans ce sens, que « nombreux hauts responsables américains s’étaient déplacés en Algérie durant cette année ». Ce qui signifie, d’après lui, que les deux parties se consultent sur « de nombreux dossiers ». Chose qui s’explique, a-t-il ajouté, par les zones de tension qui s’étendent « de la mer rouge à l’Atlantique », citant le Soudan, le Tchad, le Niger, le Burkina Faso, le Mali et le Sahara Occidental.

 

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