Algérie/Niger : réchauffement des relations 

La visite effectuée par le Premier ministre nigérien, Ali Mahmane Lamine Zeine, lundi 12 août 2024, à Alger, marque un réchauffement des relations entre les deux pays qui ont connu cette dernière année quelques turbulences notamment depuis le coup d’Etat contre le président Mohamed Bazoum survenu le 26 juillet 2023. 
© DR | Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune a reçu, mardi 13 août 2024 le Premier ministre du Niger, Ali Mahaman Lamine Zeine

Les choses semblent évoluer positivement entre l’Algérie et le Niger. Quelques jours seulement après le déplacement du ministre algérien de l’Energie, Mohamed Arkab, à Niamey, une visite durant laquelle le PDG de la Sonatrach, Rachid Hachichi, a annoncé la reprise des activités de la compagnie pétrolière au Niger, c’est le Premier ministre du Niger, M. Ali Mahaman Lamine Zeine, qui se rend à Alger.

La composition de la délégation nigérienne et la nature des rencontres et des entretiens qu’il a eu en Algérie donne une idée sur l’importance qu’ont accordé les deux Etats à cette visite.

Lamine Zeine Ali Mahaman a été reçu respectivement par son homologue algérien, Nadir Larbaoui, et le président du Conseil de la Nation, Salah Goudjil, durant la journée du lundi 12 août et le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, aujourd’hui.

Faisant partie de la délégation du Niger, le Général de Corps d’Armée Salifou Modi, ministre d’Etat ministre de la Défense nationale de la République du Niger, a été, pour sa part, reçu par le Général d’Armée Saïd Chanegriha, Chef d’Etat-major de l’Armée nationale populaire (ANP).

Par ailleurs, le ministre du Commerce et de l’Industrie du Niger, Seydou Asman a été reçu respectivement par le ministre de l’Industrie et de la Production pharmaceutique, Ali Aoun et le ministre du Commerce et de la Promotion des exportations, Tayeb Zitouni, alors que le ministre nigérien des Transports et de l’Equipement, Salissou Mahaman Salissou, a été reçu par le ministre des Travaux publics et des Infrastructures de base, Lakhdar Rekhroukh.

« Nous avons décidé de donner du tonus à la coopération Algéro-nigérienne, et en cela, nous ferons en sorte que nos projets communs soient très rapidement mis en route, pour leur réalisation au profit des deux pays », a déclaré, à cet effet, le Premier ministre nigérien après l’entretien qu’il a eu avec Salah Goudjil.

« L’amitié, la fraternité et le bon voisinage, sont les trois valeurs essentielles partagées par l’Algérie et le Niger », a-t-il ajouté.

Goudjil souligne « les tentatives malveillantes émanant de pays ayant un passé et un présent colonial connu »

D’ailleurs, au sujet de cet entretien, entre le premier ministre nigérien et le président du Conseil de la nation, un communiqué de la chambre haute du parlement a indiqué que « cette rencontre a été l’occasion de passer en revue l’état et les perspectives des relations fraternelles et historiques entre l’Algérie et le Niger, basées sur le respect mutuel, la solidarité, la bonne entente et le bon voisinage ».

« Elle a également permis d’échanger les points de vue et de débattre la situation qui prévaut dans la région du Sahel, zone marquée désormais par des conditions exceptionnelles, auxquelles il faut ajouter les circonstances qui dominent la scène provoquant l’instabilité tout autant que les mutations rapides et effrénées prévalant dans le monde », a ajouté la même source.

Le communiqué indique, dans le même ordre, que Salah Goudjil a exprimé « le désir de l’Algérie de renforcer les relations bilatérales fraternelles avec le Niger en les faisant progresser à travers des échanges de visites de haut niveau et toutes les démarches diplomatiques appropriées pour revitaliser la dynamique entretenue par les deux peuples depuis de nombreuses années ».

De plus, il a réaffirmé « l’engagement de l’Algérie envers les valeurs de dialogue et de réconciliation nationale, sa fermeté contre toute ingérence dans les affaires intérieures des Etats, ainsi que son plaidoyer continu en faveur de l’indépendance des décisions politiques et économiques des pays africains ».

Le président du Conseil de la Nation a également souligné « l’importance de la coopération et de la coordination entre les deux pays amis pour faire face aux dangers menaçant la région du Sahel et les tentatives malveillantes émanant de pays ayant un passé et un présent colonial connus ».

Les mêmes affirmations à propos de rejet d’une « intervention étrangère » ont été avancées par le Chef d’Etat-major de l’Armée nationale populaire (ANP), Saïd Chanegriha, qui a rappelé, devant son homologue nigérien, que « l’Algérie a, de tout temps, été attachée à ses principes immuables, basés sur le bon voisinage, le respect de la souveraineté et de l’indépendance des Etats, et le rejet de l’ingérence étrangère, quelles que soient sa nature et ses objectifs ».

Une « brouille » au sujet de la médiation…

En effet, il est utile de rappeler, dans ce sens, que l’Algérie, après le coup d’Etat commis contre Bazoum, avait formellement rejetée l’idée d’une intervention étrangère pour rétablir Président déchu dans ses droits, comme le souhaitait la Cédéao, l’organisation économique des pays de l’Afrique de l’Ouest, dans laquelle le Niger était membre avant de se retirer, tous comme le Mali et le Burkina Faso, et certaines capitales occidentales comme la France.

Un principe que l’Algérie a défendu malgré l’attitude, plutôt « inamicale » dont ont fait preuve, au départ, les nouvelles autorités à Niamey.

C’est dans l’objectif d’éviter une intervention étrangère d’ailleurs que l’Algérie avait proposé, le 29 août 2023, c’est-à-dire un mois environ seulement après le coup d’Etat, une initiative pour un retour à l’ordre constitutionnel. 

Or, moins de deux mois plus tard, et après avoir notifié Alger de l’acceptation de la médiation, le ministère des Affaires étrangères du Niger a exprimé, le 2 octobre de la même année, des « réserves » quant à « la durée de la transition » qui, selon la même source, « devrait résulter des conclusions du Forum National Inclusif ».

Par la suite, le 9 octobre, l’Algérie a décidé de « surseoir à l’engagement des discussions préparatoires envisagées » jusqu’à « l’obtention des clarifications qu’il estime nécessaires au sujet de la mise en œuvre de la médiation ».

Les migrants, l’autre dossier à traiter

Au mois d’avril dernier, près de six mois après cet échange d’« amabilité » au sujet de la proposition de médiation, une deuxième « brouille » est née entre les deux pays.

Ainsi, le 4 avril 2024, les autorités nigériennes ont annoncé la convocation de l’Ambassadeur de l’Algérie à Niamey, Benkhedda Mehdi, qui « a été interpellé suite aux différentes opérations de rapatriement et de refoulement des migrants subsahariens en situation irrégulière ».

Deux jours plus tard, l’Algérie convoque l’ambassadeur de la République du Niger à Alger, Aminou Malam Manzo, en réaction aux affirmations nigériennes que l’Algérie juge « non-fondées ». 

Finalement, un peu plus de trois mois plus tard, les choses semblent évoluer positivement entre les deux pays.

Lors de sa visite à Niamey, le 6 août dernier, le ministre de l’Energie et des Mines, Mohamed Arkab s’est entretenu avec son homologue nigérien, Mahaman Moustapha Barké, entre autres sur « les activités de Sonatrach dans ce pays et le projet du gazoduc transsaharien ».

Les autorités nigériennes se sont vraisemblablement rendues à l’évidence que leur pays aura tout à gagner d’une coopération économique accrue avec l’Algérie, d’autant plus que le projet du gazoduc, entre autres, semble intéresser les autorités du Niger au plus haut point.

De même pour ce qui est de la coopération sécuritaire, les deux pays partageant près de 950 km de frontières, ce qui explique probablement la présence du ministre de la Défense du Niger parmi les membres de la délégation du Premier ministre.

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