Bengladesh : Le prix Nobel Muhammad Yunus va diriger un gouvernement intérimaire

La présidence bangladaise a annoncé mercredi 7 août 2024 que le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus allait diriger un gouvernement intérimaire, après la dissolution du Parlement et la fuite de la Première ministre démissionnaire Sheikh Hasina.
© DR | Le prix Nobel Muhammad Yunus

La présidence bangladaise a annoncé aujourd’hui que le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus allait diriger un gouvernement intérimaire, après la dissolution du Parlement et la fuite de la Première ministre démissionnaire Sheikh Hasina.

La décision « de former un gouvernement intérimaire (…) avec Yunus comme chef » a été prise lors d’une rencontre entre le président Mohammed Shahabuddin, de hauts dignitaires de l’armée et des responsables du collectif Etudiants contre la discrimination, principal mouvement à l’origine des manifestations initiées début juillet, a-t-elle indiqué.

« Le président a demandé au peuple de l’aider à surmonter la crise. La formation rapide d’un gouvernement intérimaire est nécessaire pour surmonter la crise », indique un communiqué de la présidence.

Muhammad Yunus, actuellement en Europe, avait indiqué la veille être prêt à prendre la tête d’un gouvernement intérimaire. « J’ai toujours mis la politique à distance (…) Mais aujourd’hui, s’il faut agir au Bangladesh, pour mon pays, et pour le courage de mon peuple alors je le ferai », avait-il affirmé dans une déclaration écrite à l’AFP.

L’économiste de 84 ans, connu pour avoir sorti des millions de personnes de la pauvreté grâce à sa banque de microfinance, pionnière en la matière, s’était attiré l’inimitié persistante de Sheikh Hasina, qui l’accusait de « sucer le sang » des pauvres.

Nahid Islam, un dirigeant du collectif d’étudiants, a confirmé la décision à des journalistes après une réunion de trois heures à la présidence, qualifiant les discussions de « fructueuses ».

Le président Shahabuddin a accepté que le gouvernement intérimaire « soit formé dans les plus brefs délais », a-t-il déclaré.

S’adressant mardi à la presse, le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a déclaré que ce gouvernement devra « respecter des principes démocratiques, l’Etat de droit et le reflet de la volonté du peuple ».

Le Pakistan s’est dit « solidaire du peuple du Bangladesh » en espérant un « retour à la normale » et un « futur harmonieux » pour son voisin, dans une première réaction aux bouleversements en cours dans le pays, né en 1971 de sa séparation avec le Pakistan.

Le président Shahabuddin avait par ailleurs dissous mardi le Parlement, ce que réclamaient les étudiants protestataires et le principal parti d’opposition, le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), qui exige des élections d’ici trois mois.

Sheikh Hasina s’enfuit

Lundi a été la journée la plus meurtrière depuis le début du mouvement, avec au moins 122 morts, et au moins 10 autres personnes ont été tuées mardi, portant le bilan total à au moins 432 morts, selon un décompte de l’AFP basé sur des sources policières, gouvernementales et médicales.

La contestation a abouti lundi au départ de Sheikh Hasina, 76 ans, contrainte de s’enfuir en hélicoptère.

Dans le pays troublé, le principal syndicat de policiers du Bangladesh a demandé « pardon » pour avoir tiré sur des étudiants, dans un communiqué publié mardi, affirmant que les policiers avaient été « forcés d’ouvrir le feu » puis présentés comme les « méchants ». Il a annoncé une grève pour garantir la sécurité des forces de l’ordre. Le chef de la police nationale a été limogé par le président Shahabuddin, ont indiqué les services du chef de l’Etat.

L’armée a procédé à plusieurs remaniements parmi ses hauts gradés, notamment en rétrogradant certains d’entre eux jugés proches de Mme Hasina. Le chef de l’armée bangladaise, le général Waker-Uz-Zaman, avait annoncé lundi la formation prochaine d’un « gouvernement intérimaire ». Après son allocution, des millions de Bangladais étaient descendus dans les rues de Dacca. Les manifestants avaient envahi le Parlement, incendié des chaînes de télévision pro-gouvernementales et brisé des statues du père de la Première ministre déchue, Sheikh Mujibur Rahman, héros de l’indépendance du pays.

Revenue au pouvoir en 2009, Sheikh Hasina avait remporté en janvier un cinquième mandat à l’issue d’une élection sans véritable opposition. Les manifestations avaient commencé début juillet après la réintroduction d’un régime réservant près d’un tiers des emplois dans la fonction publique aux descendants d’anciens combattants de la guerre d’indépendance. Le gouvernement de Mme Hasina avait été accusé par les organisations de défense des droits humains de mettre à son service les institutions pour asseoir son emprise et éradiquer toute dissidence. Le président avait ordonné lundi en fin de journée la libération des personnes arrêtées lors des manifestations.

L’ex-Première ministre et cheffe de l’opposition Khaleda Zia, 78 ans, a été libérée mardi, selon son parti BNP. Grande rivale de Mme Hasina, la cheffe du BNP avait été condamnée à 17 ans de prison pour corruption en 2018.

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