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Boumediene Sidi Boubakar (chercheur) à propos de Gaza : « les campagnes de solidarité…un coup d’épée dans l’eau ! »

Dans cet entretien, Boumediene Sidi Boubakar, chercheur à l’université de Tamanrasset et spécialiste des questions politiques au Moyen-Orient, revient sur le conflit israélo-palestinien et livre son analyse sur l’inaction des Nations-unies et l’épuisement diplomatique constaté chez de nombreux acteurs internationaux quant à la violation des droits de l’homme à Gaza.
© INTERLIGNES | Boumediene Sidi Boubakar, chercheur à l’université de Tamanrasset

INTERLIGNES : depuis le début du mois d’octobre, l’actualité internationale est quotidiennement alimentée par des scènes d’une extrême violence dans la bande de Gaza, une guerre sans merci livrée contre l’humanité en Palestine. Quelle lecture faites-vous sur cette énième agression ?

BOUMEDIENE SIDI BOUBAKAR : il est important de souligner d’emblée que les violations des droits de l’homme à Gaza et dans l’ensemble du territoire palestinien, ne datent pas d’aujourd’hui et ne sont aucunement liées aux derniers événements. Au contraire, elles sont le résultat de pratiques continues de l’armée d’occupation israélienne, qui cible systématiquement la population palestinienne. Ces violations se manifestent à travers diverses actions s’étendant de la Cisjordanie à Gaza. Parmi ces actions, on peut citer le déplacement forcé de citoyens palestiniens et leur délogement au profit des colons, comme cela s’était produit dans le quartier de Cheikh Jarrah, à l’est d’El Qods. De plus, il y a l’emprisonnement et l’application de punitions collectives sur les civils dans la bande de Gaza, allant jusqu’à l’utilisation des armes internationalement interdites.

Il est important de noter que l’armée d’occupation israélienne agit au mépris des conventions et droits internationaux. Elle emploie des méthodes extrêmement brutales dans le but de pousser le peuple palestinien à quitter son territoire. Cette politique comprend la pratique de la « destruction massive » qui ne fait pas de distinction entre la résistance civile et militaire. Et cela représente une stratégie constamment utilisée par Israël pour maintenir le moral de ses concitoyens et de ses soldats à travers une invasion militaire qui vise essentiellement à affaiblir la détermination de la résistance palestinienne.

Du point de vue des droits de l’homme, il est essentiel de rappeler que la protection des civils en temps de conflit est une obligation en vertu du droit international humanitaire. Ainsi, les rapports de violations des droits de l’homme et de crimes de guerre doivent être examinés de manière impartiale et, le cas échéant, les responsables doivent être tenus pour responsables. Ce qui n’est toujours pas le cas en Palestine malheureusement.

Plusieurs campagnes de solidarité ont été menées, même si certains experts qualifient ces actions de « non évènement » ou carrément de « traîtrise », qu’en pensez-vous ?

Effectivement, c’est un coup d’épée dans l’eau ! Sans nul doute, la Ligue des États arabes et certains thuriféraires d’Israël ont graduellement abandonné leur rôle historique de soutien au peuple palestinien. Cela a même atteint le point où certains pays désavouent la cause palestinienne. De plus, leurs représentants en matière de politique étrangère semblent parfois établir des équivalences entre l’oppresseur et l’opprimé, comme cela a été le cas avec les Émirats arabes unis. Un secret de polichinelle ! Il faut souligner que les campagnes de solidarité menées en faveur de la Palestine se déroulent dans un contexte où la communauté internationale semble incapable d’imposer un cessez-le-feu et de stopper la machine militaire israélienne, laquelle est, faut-il le rappeler, responsable de la perte de milliers de vies humaines. Dans ce contexte, certaines personnes perçoivent ces campagnes comme une tentative de se dédouaner de la responsabilité des souffrances de la population palestinienne.

Notons que ces campagnes rencontrent des difficultés à atteindre la population de Gaza, principalement en raison de l’intransigeance de l’armée d’occupation israélienne et du gouvernement égyptien qui maintiennent le terminal de Rafah fermé. Il est essentiel de souligner que des appels internationaux pour l’ouverture de corridors humanitaires sont parfois acceptés par Israël, ce qui soulève des interrogations sur le rôle des organisations internationales et régionales dans l’imposition des résolutions internationales, ou sur leur capacité à obliger la puissance occupante à respecter le consensus international. Certes, les appels à un cessez-le-feu se multiplient, mais les génocides perpétrés par l’armée de l’occupation en Palestine se poursuivent, laissant clairement croire à une complicité criminelle dans cette énième guerre menée contre l’humanité.

Les experts estiment que cette guerre se distingue des précédentes, car elle semble refléter l’intention de l’occupant de déplacer la population de la bande de Gaza, d’assurer son occupation, et de mettre fin, selon les dires de ses responsables, au Hamas, à sa branche militaire, ainsi qu’aux autres factions de résistance palestinienne, notamment le Jihad islamique…

A ce propos, je dirai que la doctrine de l’armée israélienne et le comportement stratégique de cette entité occupante consiste à réagir violemment et rapidement à toute frappe militaire dirigée par l’opposition, et si l’ampleur des dommages matériels, stratégiques et même psychologiques infligés par l’opération Tufan al-Aqsa est comparée à l’armée d’occupation et aux colons, on s’attend à ce que la réponse soit d’une telle violence et d’une telle intensité en raison de nombreux facteurs dont :

– La volonté de l’armée de remodeler son image devant ses citoyens comme une force capable de les protéger, élevant leur moral associé à leur poursuite des opérations de colonisation sous l’égide de la protection des acteurs internationaux,

– Le parti au pouvoir et le Premier ministre Benjamin Netanyahu sont également confrontés à des critiques internes et les protestations et la guerre en cours semblent être une berme qu’ils pourraient utiliser pour parvenir à un consensus sur leurs perceptions politiques visant à diriger l’opinion publique vers les fausses causes motivant la guerre.

– Le comportement violent de l’armée israélienne dans cette guerre renforce la question des otages : Hamas a plus de deux cents otages, un dossier qu’Israël craint, car la résistance exige leur échange contre plus de 6000 prisonniers de guerre palestiniens, ce qui peut être  perçu comme une victoire pour Hamas, car les prisonniers israéliens demeurent une carte de pression majeur appliquée sur l’armée de l’occupation, notamment par les familles des otages qui veulent vraisemblablement en finir avec  les mensonges répétitifs du géant aux pieds d’argile.

Les chiffres officiels sur les pertes humaines à Gaza ne reflète-ils pas une complicité directe d’États occidentaux et arabes dans le conflit en Palestine, du moins par leurs silences ?

Dernièrement, il y a eu des préoccupations exprimées par le président américain Joe Biden concernant la fiabilité des données fournies par la partie palestinienne sur le nombre de morts et de blessés causés par l’intervention militaire d’Israël dans la bande de Gaza. Mais, le bureau de santé du gouvernement palestinien a vite réagi pour dissiper le doute en publiant les noms des martyrs, qui se chiffrent à plus de 8 000 personnes, dont des enfants en bas âge. Le nombre pourrait augmenter en raison des difficultés liées à la récupération des corps sous les décombres à la suite des bombardements continus d’Israël, ainsi que des plus de 20 000 blessés. Il y a également environ 2 000 personnes portées disparues jusqu’à présent. Ces chiffres soulèvent des questions morales et éthiques concernant la brutalité de cette entité coloniale et ses pratiques, notamment en ce qui concerne le génocide et la punition collective contre l’humanité à Gaza.

Il est à noter que les États-Unis ont joué un rôle clé en offrant un soutien international à Israël pendant le conflit. Le président et le ministre des Affaires étrangères américains ont affirmé leur soutien constant à Israël, y compris la fourniture d’armes et de munitions, ainsi que l’utilisation du droit de veto pour bloquer les résolutions internationales visant à instaurer un cessez-le-feu, comme cela s’est produit avec le projet de résolution brésilien et le projet de résolution russe, qui ont été rejetés par les États-Unis, la France et le Royaume-Uni. Le rôle des États-Unis dans le conflit soulève des questions sur la politique étrangère et la diplomatie internationale entourant le conflit israélo-palestinien.

Il est possible d’expliquer le soutien continu des États-Unis à Israël en tenant compte de plusieurs facteurs, y compris les considérations électorales et les influences du lobby pro-israélien. Les intérêts électoraux aux États-Unis peuvent certainement jouer un rôle dans le soutien à Israël, car les candidats et les partis politiques cherchent à gagner des votes et des contributions financières en adoptant des positions favorables à Israël, en particulier compte tenu de l’importance des groupes d’intérêts juifs dans le pays.

Le lobbying et le soutien financier de ces groupes jouent un rôle significatif dans la politique étrangère des États-Unis, notamment en ce qui concerne le Moyen-Orient. Cependant, il est important de noter que la politique américaine envers Israël est influencée par une combinaison de facteurs, y compris les relations historiques, les considérations de sécurité, les intérêts économiques et géopolitiques, ainsi que les préoccupations électorales.

Le conflit israélo-palestinien est-il lié à une solution politique globale, ou y a-t-il d’autres scénarios à prendre en considération à l’avenir ?

Le conflit israélo-palestinien est sans aucun doute lié à une solution politique globale devant aboutir à l’évacuation des péninsules occupées conformément à la résolution de 1967. Mais des considérations politiques et géostratégiques prédisent que l’entité occupante n’est pas disposée à céder les territoires conquis en fonction des accords conclus. Bien au contraire, elle fait tout pour chasser les palestiniens de leur territoire afin d’élargir illégitimement le champ de son occupation et de son invasion en territoire palestinien.

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