Commerce extérieur : vers une reprise totale avec l’Espagne, gel avec la France ? 

Les banques ne domicilieront pas les opérations bancaires d’importation ayant pour origine la France et/ou provenance la France. Au même moment, il est question d’une reprise totale du commerce extérieur avec l’Espagne. 
© DR | Les échanges commerciaux entre l'Algérie et la France ont atteints en 2023 le seuil de 11,8 milliards d'euros

Les domiciliations bancaires d’importation ayant pour origine la France et/ou provenance la France sont, selon toute vraisemblance, suspendues.

La mesure a, apparemment, pris effet depuis le 5 novembre, fait noter un courrier en notre possession, dans lequel il est également mentionné que les transactions ayant fait l’objet d’embarquement avant le 4 novembre pourraient faire l’objet de domiciliation.

Par ailleurs, les factures de biens ayant déjà été domiciliées seront traitées sans blocage.

Des transitaires en douane ont déjà commencé à informer leurs clients de cette mesure.

Au même moment, il est question d’une reprise totale, « dans les tous prochains jours », nous a précisé une source dans le milieu financier, du commerce avec l’Espagne.

Le traité d’amitié algéro-espagnol suspendu en juin 2022

Il faut rappeler que l’Algérie, dans le sillage du rappel de son ambassadeur en Espagne, en mars 2022, à la suite du « brusque revirement » du gouvernement espagnol au sujet de la question sahraouie, avait suspendu le 8 juin 2022 le « Traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération ».

Dès le lendemain, le 9 juin 2022, il a été procédé au « gel des domiciliations bancaires des opérations de commerce extérieur de produits et services, de et vers l’Espagne ». Seules les livraisons de gaz sont maintenues.

Ce n’est qu’au mois de novembre de l’année 2023, c’est-à-dire plus d’un an et demi après qu’un ambassadeur a été nommé en Espagne. 

Mais aucune annonce n’a jusque-là été faite au sujet de la levée de suspension du Traité d’amitié. Même si concrètement le commerce entre les deux pays a reprise graduellement, du moins pour ce qui est de certaines filières, comme c’est le cas avec cette lettre de l’ABEF datée du 14 janvier 2024 dans laquelle les banques sont informées que « l’importation des intrants avicoles, en l’occurrence les poussins repro chair, les poussins repro ponte ainsi que les œufs à couver, en provenance du royaume d’Espagne est autorisée ».

Et au mois de février 2024, c’est l’importation de viande rouge fraîche qui a été autorisée depuis l’Espagne, selon une autre note de l’ABEF.

La France s’aligne complètement sur la position marocaine vis-à-vis de la question sahraouie

Avec la France, il faut dire que les relations se sont détériorées en juillet dernier lorsque le Président français Emmanuel Macron avait adressé une lettre à Mohammed VI, dans laquelle Paris considère que « le plan d’autonomie du Maroc pour le Sahara occidental est la seule base pour aboutir à une solution politique juste ».

Une position, dénoncée par l’Algérie cinq jours avant que cette lettre ne soit rendue publique, estimant qu’il s’agit d’une décision « inattendue, inopportune et contre-productive », qui a fait réagir l’Algérie qui a décidé, quelques heures après la publication de cette lettre du retrait de son ambassadeur auprès de la République française avec « effet immédiat ».

Ce positionnement français a été encore une fois réaffirmé par Macron, le 29 octobre dernier, lors de son déplacement au Maroc, lorsqu’il a déclaré que « le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine ». 

Une brouille sur le plan politique qui avait déjà atteint le secteur économique. Au mois de septembre dernier, le ministère français de l’Agriculture avait interdit le chocolat algérien El Mordjane, qui a commencé à cartonner en France, puisqu’il ne remplit pas « l’ensemble des conditions nécessaires pour exporter vers l’Union européenne des marchandises contenant des produits laitiers destinés à être consommés », comme rapporté par plusieurs médias français.

Moins d’un mois plus tard, le 9 octobre plus précisément, citant des sources commerciales, l’agence Reuters a affirmé que l’Algérie a exclu la France d’une opération d’achat d’une importante quantité de blé. Une décision qui serait liée, selon l’agence, aux récents développements des relations entre les deux pays. 

Une information qui avait fait réagir l’office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) qui a affirmé : « tous les fournisseurs de céréales figurant sur notre short liste sont considérés comme des partenaires stratégiques. Indépendamment de l’origine du produit, ils sont traités de manière équitable dans toutes les consultations lancées au cours de l’année 2024 ».

L’Office a ajouté qu’en « ce qui concerne la consultation restreinte lancée par l’OAIC le 6 octobre 2024, nous précisons qu’elle a été régie par des critères techniques spécifiques, en fonction des besoins industriels particuliers à cette période ».

Tout cela pour dire que les relations entre les deux pays semblent se détériorer davantage de jour en jour.

La valeur des échanges commerciaux entre les deux pays a atteint 11,8 milliards d’euros en 2023 

Ceci sachant que les échanges commerciaux entre les deux pays sont importants ayant atteint l’année passée la valeur de 11,8 milliards d’euros, la France étant le deuxième fournisseur de l’Algérie et son troisième client.

Et la balance commerciale est en faveur de l’Algérie puisque la France a importé, en 2023, pour 7,3 milliards d’euros dont 6 milliards d’euros d’hydrocarbures, selon les données des Douanes françaises, alors que l’Algérie a importé depuis la France pour 4,49 milliards d’euros.

Cette institution française avait fait d’ailleurs remarquer dans son rapport que les importations algériennes de blé français avaient reculé de 80% passant de 834 millions d’euros en 2022 à 166 millions d’euros en 2023.

Une trajectoire qui s’explique « par l’entrée sur le marché des blés de la Mer Noire, russes en particulier, à la suite d’une modification fin 2021 du cadre normatif et technique régissant les importations de l’acheteur public disposant du monopole des achats de blé », a ajouté la même source.

Si les échanges commerciaux étaient ces dernières années sur une courbe croissante, les développements récents des relations entre les deux pays pourraient les freiner considérablement, surtout si cette suspension des domiciliations bancaires est mise en application.

AD-300-X-250