Le ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Belkacem Zeghmati interdit désormais le déclenchement d’une action publique pour les affaires en lien avec les deniers publics avant l’approbation de son département. L’instruction adressée aux parquets généraux a été largement dénoncée par le corps judiciaire. Pour eux, cette instruction « entrave l’indépendance de la Justice et protège la corruption ».
« Dans le but de contrôler davantage l’action publique et évaluer la nécessité de son déclenchement, nous vous demandons d’instruire, dès la réception de cette note, les juges relevant de votre compétence de ne pas recourir à l’ouverture d’une enquête préliminaire ou action judiciaire pour les affaires de gestion et de la compromise des deniers publics qu’après l’approbation de la tutelle », a indiqué une note du ministère de la Justice, précisant que l’instruction vise les actions publiques engagées contre les agents publics en vertu de l’article 2 de la loi relative à la prévention et à la lutte contre la corruption.
A travers la même note, le ministère demande la rédaction d’un rapport décrivant la nature des faits reprochés à l’agent public, les conditions spatiotemporels des faits ainsi que la partie qui les a dénoncé et d’attendre son approbation avant d’enclencher les mesures nécessaires.
« Je suis la Justice »
Cette instruction, datant du 15 mars, a été largement dénoncée par les personnes relevant du domaine juridique. Pour eux, cette instruction « entrave la Justice et protège la corruption ».
Dans une réaction diffusée sur Facebook, l’avocat Abdelaghni Badi a estimé que cette instruction « entrave les mains de la Justice dans sa lutte contre la Corruption ». « A travers cette note, Belkacem Zeghmati dit je suis le ministère public, je suis la Justice », a-t-il dénoncé.
L’avocat Smaine Saad a lui aussi critiqué le circulaire estimant, sur Facebook, que cette mesure vise « à avoir le monopole sur l’action judiciaire afin de protéger la corruption ».
« C’est une attaque flagrante à l’indépendance de la Justice. Cela ne se produit que dans un système politiquement et économiquement corrompu », a-t-il dénoncé.
A travers le réseau social Twitter, Mostefa Bouchachi s’est joint aux voix de ses confrères, indiquant que cette mesure « encourage la corruption ».
Rappelant qu’une mesure similaire a été prise l’été dernier par le Président de la République Abdelmadjid Tebboune. En effet, le chef de l’Etat avait instruit la Justice en août 2020 de ne plus prendre en considération les lettres anonymes de dénonciation.
« La seule destination de ces lettres anonymes sera le broyeur », appelant les dénonciateurs à avoir le « courage » pour révéler leur identité.