La Cour constitutionnelle a décidé de la levée de l’immunité parlementaire d’un membre du Conseil de la Nation et de six députés pour diverses raisons. Les décisions, prises à l’issue des séances de la Cour tenues les 12 et 13 février derniers, ont été publiées au Journal officiel N° 22.
Contrairement aux habitudes, seules les initiales des concernés, et non les noms complets, ont été mentionnés dans ces décisions.
Le premier dossier concerne un membre du Conseil de la Nation, portant les initiales F. B. G., élue membre de la chambre haute du parlement, à Skikda, pour le parti Sawt Echaab, lors du renouvellement partiel de février 2022.
Rappelant que « le ministre de la justice, garde des sceaux, a informé le président du Conseil de la Nation par correspondance, datée du 2 avril 2022 (…) que le membre du Conseil de la Nation, (F.B.G), fait l’objet d’un dossier judiciaire au niveau de la Cour de Skikda », la Cour indique que « les faits reprochés à cette dernière consistent en le délit d’octroi d’indus avantages en vue d’influencer le vote d’un ou de plusieurs électeurs ».
« En date du 11 février 2022, une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux a mis en exergue des séquence d’une dépassements imputés au membre du Conseil de la Nation, (F.B.G), comportant l’enregistrement d’une communication téléphonique entre la concernée et le nommé B.M. parent de son concurrent aux élections du Conseil de la Nation (Wilaya de Skikda) ayant pour objet l’achat de voix d’électeurs en faveur de la susnommée, moyennant la somme de cinq millions de centimes », précise la Cour constitutionnelle.
Trois des six députés sont des « indépendants »
Les six autres décisions concernent des députés de l’Assemblée populaire nationale (APN) de circonscriptions différentes, dont trois sont des « indépendants ».
Il y a, entre autres, deux dossiers qui concernent des députés de la wilaya de Tipasa, à savoir B. G. et D. O, du groupe des « indépendants». Dans le premier cas, le député « fait l’objet d’un dossier judiciaire pendant au niveau de la Cour de Tipaza pour les faits qui lui sont imputés et qui revêtent un caractère pénal, et ce, pour avoir commis le délit d’abus de fonction intentionnellement par un agent public en vue d’accomplir ou de s’abstenir d’accomplir, dans l’exercice de ses fonctions, un acte en violation des lois et des règlements afin d’obtenir des avantages indus pour une autre personne, ainsi que, la négligence manifeste ayant causé la perte de deniers publics détenus par lui à l’occasion de ses fonctions », indique la Cour.
Dans le deuxième, il est question d’ « atteinte, par des personnes, à une parcelle de terre à vocation agricole dont la superficie est d’environ 20 hectares située dans une zone d’expansion touristique Corniche du Chenoua au lieu-dit Oued Oumazar, à El Hamdania, commune de Cherchell à proximité du chemin de wilaya n° 109, et que ces mêmes personnes ont procédé à l’aménagement de cette parcelle de terrain en zone habitable à travers la construction d’un complexe résidentiel avec villas luxueuses avec piscines et vue sur mer, ainsi que des constructions à plusieurs étages à vocation hôtelière, soit environ 22 immeubles en cours de construction sur un terrain à vocation forestière d’une superficie de 8 hectares, 53 ares et 12 centiares ».
Au niveau de la circonscription d’Oran, le député N. K., indépendant également, a fait « l’objet de deux dossiers judiciaires pendants au niveau de la Cour d’Oran », comme indiqué par la Cour, qui précise que « les faits qui lui sont imputés revêtent un caractère pénal, dont la première affaire concerne le délit de non-respect des documents d’urbanisme approuvés par l’autorité compétente et le supposé délit d’abus de pouvoir » et que « la seconde affaire, elle concerne le délit de diffamation ».
Il y a aussi le cas d’un député portant les initiales D. K. qui fait l’objet de « deux dossiers judiciaires pendants au niveau de la Cour de Chlef », dont « le délit de faux et usage de faux de documents administratifs et celui d’escroquerie dans les deux affaires ».
A noter que celui-ci, selon cette décision de levée de l’immunité parlementaire de la Cour constitutionnelle, « a été condamné, en vertu d’un jugement rendu par la section des délits, le 31 mai 2021, à un (1) an d’emprisonnement ferme et 50.000 DA d’amende ».
A Mascara, le député C.K., du Mouvement de la société pour la paix (MSP), fait l’objet de « poursuites judiciaires dans deux affaires pendantes au niveau de la Cour de Mascara » dont le premier dossier « concerne le délit de destruction volontaire d’un bien appartenant à autrui » et le deuxième, en lien avec le premier, pour « rixe ». Des affaires, faut-il le préciser, remontant à 2021 puisqu’elles ont été « enrôlée pour l’audience du 28 juin 2021 (quelques jours après l’élection législative du 12 juin 2021, NDLR) et, qu’un jugement ordonnant de surseoir à statuer sur l’affaire jusqu’à la levée de l’immunité a été rendu en date du 27 septembre 2021, et ce, suite à l’élection du concerné en qualité de député à l’Assemblée Populaire Nationale ».
Levée d’immunité pour « affichage sauvage » lors de la campagne électorale
Le sixième député auquel la Cour constitutionnelle a levé l’immunité est S. A., de la circonscription de Tlemcen (Front de libération nationale). Dans ce dossier, il est question d’une infraction liée au code électoral.
La Cour indique que « la députée à l’Assemblée Populaire Nationale, fait l’objet, au niveau de la Cour de Tlemcen, d’un dossier judiciaire pour s’être rendue coupable d’une infraction relative à l’affichage en dehors des emplacements réservés pour ce faire, faits prévus et punis par l’article 290 de l’ordonnance n° 21-01 du 10 mars 2021, modifiée et complétée, portant loi organique relative au régime électoral ».
Il est mentionné dans cette décision que c’est l’Autorité nationale indépendante des élections – délégation de la wilaya de Tlemcen qui a « déposé plainte devant le procureur de la République près la Cour de Tlemcen contre (S.A), candidate du Parti du Front de Libération Nationale, pour avoir enfreint les dispositions réglementaires et l’affichage sauvage de ses photos en dehors des emplacements réservés pour ce faire ».
A noter que l’article 290 de l’ordonnance n° 21-01 du 10 mars 2021, cité par la Cour, prévoit « une amende de 20.000 DA à 50.000 DA » pour « quiconque aura procédé à un affichage en dehors des emplacements réservés et /ou en dehors de la période de la campagne électorale, ou aura altéré un affichage dans un emplacement réservé, contenant des informations, des données et des posters des candidat ».
Pour rappel, au mois de novembre dernier, la Cour constitutionnelle (CC) a décidé de lever l’immunité parlementaire du membre du Conseil de la Nation, Abdelkader Djadia, du Parti du Front de libération nationale (FLN), qui faisait l’objet d’un dossier judiciaire au niveau de la Cour de Ouargla et dont les faits qui lui sont reprochés sont relatifs aux chefs d’accusation d’« outrage à un corps constitué », de « discours de la haine » et de « propos outrageants à l’égard du Président du Conseil de la Nation ».
Il est utile de rappeler, en dernier lieu, que les députés ou membres du Conseil de la nation, dont l’immunité a été levée, ne perdent leur siège que s’ils sont condamnés.