Demande de mise en liberté de Mustapha Bendjama : le tribunal se déclare « incompétent » 

La section des délits du pôle spécialisé près le tribunal de Constantine s’est déclaré, aujourd’hui mardi 28 novembre 2023, « incompétent » pour traiter la demande de mise en liberté du journaliste Mustapha Bendjama déposée par ses avocats. 
e journaliste Mustapha Bendjama
© DR | Le journaliste Mustapha Bendjama

Le journaliste Mustapha Bendjama, qui pourtant a purgé ses deux peines de prisons, selon l’appréciation faite par ses avocats, ne sortira pas de prison aujourd’hui. La section des délits du pôle spécialisé près le tribunal de Constantine s’est déclarée, ce mardi, « incompétente » pour traiter la demande de mise en liberté du journaliste déposée par ses avocats le 16 novembre dernier, nous a confié Maitre Abdellah Heboul, qui s’est montré néanmoins « satisfait » dans la mesure où « la loi a été respectée » puisque le problème de la compétence du tribunal a été posé dès le départ.

Si cette demande a été déposée par la défense c’est parce que, selon elle, il y a eu deux mandats de dépôt décidé au même moment, pour les deux dossiers, à l’encontre de Bendjama, le 19 février 2023, jour de sa mise en détention provisoire. Dans la première affaire, il a été condamné à huit mois de prison ferme, et dans la deuxième à six mois. Dans les deux cas, les peines ont été purgées.

« Le 19 février il y a eu deux informations judiciaires qui ont été ouverte concernant Mustapha Bendjama. Deux dossiers. Le juge d’instruction de la première chambre auprès le pôle spécialisé l’a auditionné en première comparution dans les deux dossiers et il a décerné deux ordonnances de mise en détention provisoire à l’encontre du journaliste. Au même moment, le juge d’instruction lui a infligé deux mandats de dépôt. C’est-à-dire, deux ordonnances de mise en détention et deux mandats de dépôt », nous avait déclaré Abdellah Heboul le 16 novembre dernier. « Il est très important de mentionner qu’il a été écroué au même temps dans les deux affaires », a-t-il ajouté.

Pour revenir sur les faits, la première affaire jugée est celle dans laquelle Bendjama était poursuivi avec le chercheur Raouf Farah pour « divulgation sur les réseaux sociaux de documents classifiés » et « réception de fonds étrangers pour commettre un acte attentatoire à l’ordre public », sur la base des articles 34 de l’ordonnance n° 21-09 du 8 juin 2021 relative à la protection des informations et des documents administratifs et de l’article 95 du code pénal.

Dans cette affaire, Bendjama et Farah ont été condamnés, le 29 août dernier, à deux ans de prison ferme en première instance (le procès s’est tenu le 22 août). En appel, la Cour de Constantine a réduit, le 26 octobre (le procès s’est tenu le 19 du même mois), leurs peines à huit mois de prison ferme. Farah a quitté la prison le même jour. Ce qui n’est pas le cas de Bendjama puisque poursuivi dans un second dossier, « l’affaire Amira Bouraoui », pour lequel il a été placé également en détention provisoire.

Requalification des faits de « criminels » en « correctionnels »

Pour ce qui est de ce dernier, au départ la qualification des faits était « criminels ». Le chef d’accusation était « association de malfaiteurs dans le but de d’exécuter le crime d’immigration clandestine dans le cadre d’une organisation criminelle », et ce, sur la base des articles 176, 177 et 303 bis 32 du code pénal. Mais le 27 août, la chambre d’accusation ordonne la requalification des faits de « criminel » en « correctionnel » en prononçant un non-lieu partiel. Depuis ce moment-là, Bendjama était poursuivi par les dispositions de l’article 303 bis 30 du code pénal qui stipule qu’ « est considéré comme trafic illicite de migrants le fait d’organiser la sortie illégale du territoire national d’une personne ou plus afin d’en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou tout autre avantage. Le trafic illicite de migrants est puni d’un emprisonnement de trois (3) ans à cinq (5) ans et d’une amende de 300.000 DA à 500.000 DA ».

Le procès relatif à ce dossier s’est tenu donc le 31 octobre dernier et le verdict a été prononcé le 7 novembre et ce, après que le tribunal a encore une fois requalifié les faits pour poursuivre le journaliste sur la base des articles 175 bis 1, 42 et 43 du code pénal. Bendjama est condamné à six mois de prison ferme.

Mais à la surprise générale, le journaliste ne quitte pas la prison le jour même. Les avocats se réfèrent entre autres, à l’article 13 de la loi n° 05-04 du 6 février 2005 portant code de l’organisation pénitentiaire et de la réinsertion sociale des détenus qui stipule dans ses alinéa 1 que « le point de départ de la durée de la peine privative de liberté est déterminé par l’acte d’écrou dans lequel la date et l’heure d’arrivée du condamné à l’établissement pénitentiaire sont indiquées ». Dans son alinéa 3, cette loi précise que « lorsqu’il y a détention provisoire, celle-ci est intégralement déduite de la durée de la peine et se calcule du jour où le condamné est incarcéré pour l’infraction ayant entraîné sa condamnation ».

Il y a également l’article 365 du code des procédures pénales qui stipule qu’ « est, nonobstant appel, mis en liberté́ immédiatement après le jugement s’il n’est détenu pour autre cause, le prévenu détenu qui a été́ acquitté, ou absous ou condamné soit à l’emprisonnement avec sursis soit à l’amende » et qu’ « il en est de même du prévenu détenu condamné à une peine d’emprisonnement aussitôt que la durée de la détention aura atteint celle de la peine prononcée ».

C’est pour cela que pour l’avocat Heboul, « la détention de Mustapha Bendjama est illégale et abusive ».

Il est utile de rappeler en dernier lieu que le procès en appel du journaliste dans l’affaire dite « Amira Bouraoui » a été programmé pour le 14 décembre prochain.

AD-300-X-250