Détention de Bendjama : une demande de remise en liberté introduite et « sa libération est indiscutable »

Les avocats du journaliste Mustapha Bendjama qui a été placé en détention provisoire dans les deux affaires "Amira Bouraoui" et "Raouf Farah"  depuis le 19 février dernier, ont introduit aujourd'hui, 16 novembre, une demande de remise en liberté de plein droit nous a confié maître Abdellah Heboul.
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© DR | Le journaliste Mustapha Bendjama

Les avocats du journaliste Mustapha Bendjama qui a été placé en détention provisoire dans les deux affaires « Amira Bouraoui » et « Raouf Farah »  depuis le 19 février dernier, ont introduit aujourd’hui, 16 novembre, une demande de remise en liberté de plein droit nous a confié maître Abdellah Heboul.

La défense du journaliste Mustapha Bendjama, représentée par Maitre Abdellah Heboul et maitre Bahloul Azeddine a introduit aujourd’hui 16 novembre « une demande de remise en liberté de plein droit auprès du procureur de la république du pôle spécialisé à Constantine ». Avant d’expliquer le contenu de la demande, Abdellah Heboul estime qu’il est important de revenir en détail sur les faits. « Il est très utile de rappeler le déroulement de ces deux dossiers dont lesquelles, Mustapha Bendjama a été placé en détention préventive simultanément dans les deux affaires et le même jour ».

La première affaire est celle dans laquelle il était poursuivi avec Raouf Farah. Mustapha Bendjama a été poursuivi pour pour les délits de « divulgation sur les réseaux sociaux de documents classifiés » et « perception de fonds étrangers pour commettre un acte attentatoire à l’ordre public », sur la base des articles 34 de l’ordonnance n° 21-09 du 8 juin 2021 relative à la protection des informations et des documents administratifs et de l’article 95 du code pénal.

Pour ce qui est de ce dernier dossier, au départ la qualification des faits était « criminels ». Le chef d’accusation était « association de malfaiteurs dans le but de d’exécuter le crime d’immigration clandestine dans le cadre d’une organisation criminelle », et ce, sur la base des articles 176, 177 et 303 bis 32 du code pénal.

Deux mandats de dépôt

Pour l’avocat, « ce qui nous intéresse le plus, c’est que le 19 février il y a eu deux informations judiciaires qui ont été ouverte concernant Mustapha Bendjama. Deux dossiers. Le juge d’instruction de la première chambre auprès le pôle spécialisé l’a auditionné en première comparution dans les deux dossiers et il a décerné deux ordonnance de mise en détention provisoire à l’encontre du journaliste. Au même moment le juge d’instruction lui a infligé deux mandats de dépôt. C’est-à-dire, deux ordonnances de mise en détention et deux mandats de dépôt » précise l’avocat.

Abdellah Habboul rappelle aussi, que le même jour, Mustapha Bendjama a été conduit par la force publique vers la prison de Boussouf. Pour notre interlocuteur, « il est très important de mentionner qu’il a été écroué au même temps dans les deux affaires ».  Par la suite, la défense a interjeté appel dans les deux ordonnance de mise en détention provisoire. Le 6 mars, la chambre d’accusation a émis deux arrêts et elle a confirmé le placement en détention provisoire dans les deux affaires. C’est-à-dire, il a été emprisonné dans les deux affaires » précise l’avocat.

Dans l’affaire Raouf Farah, l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel de Constantine a été décidé le 20 juillet 2023. Le procès a été donc programmé pour le 22 août 2023. Bendjama et Farah ont été condamnés à deux ans de prison ferme (verdict prononcé le 29 août).

Le 28 Août, sois la veille du verdict dans l’affaire Raouf Farah, la chambre d’accusation ordonne la requalification des faits de « criminel » en « correctionnel » en prononçant un non-lieu partiel. Depuis ce moment-là, Bendjama était poursuivi par les dispositions de l’article 303 bis 30 du code pénal qui stipule qu »est considéré comme trafic illicite de migrants le fait d’organiser la sortie illégale du territoire national d’une personne ou plus afin d’en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou tout autre avantage. Le trafic illicite de migrants est puni d’un emprisonnement de trois (3) ans à cinq (5) ans et d’une amende de 300.000 DA à 500.000 DA ».

requalification des faits

Le procès en appel s’est tenu, quant à lui, le 19 octobre 2023. La Cour rend son verdict et les deux prévenus ont écopé de vingt mois de prison dont huit mois ferme. Farah a quitté la prison le jour même, mais Bendjama est maintenu en détention parce qu’il était toujours en détention dans l’affaire dite « Amira Bouraoui ». Muistapha Bendjama a introduit un pourvoi en cassation. Nous n’avons pas contesté la décision car c’est tout à fait normal qu’il ne sera pas relâché puisqu’il est détenu depuis le 19 février dans la deuxième affaire dite « Amira Bouraoui ».

Dans cette affaire, le procès s’est déroulé le 31 octobre et le verdict a été prononcé le 7 novembre. Le juge avait condamné Mustapha Bendjama à six (06) mois de prison ferme et a décidé de « requalifier les faits » précise Abdellah Heboul : « il a requalifié les faits lors de la prononciation du verdict. le juge qui a prononcé le verdict le 7 novembre a encore une fois requalifié les faits pour poursuivre Mustapha Bendjama avec les dispositions des articles 175 bis 1, 42 et 43 du code pénal ».

L’article 175 bis 1 stipule que « sans préjudice des autres dispositions législatives en vigueur, est puni d’un emprisonnement de deux (2) mois à six (6) mois et d’une amende de 20.000 DA à 60.000 DA ou de l’une de ces deux peines seulement, tout algérien ou étranger résident qui quitte le territoire national d’une façon illicite, en utilisant lors de son passage à un poste frontalier terrestre, maritime ou aérien, des documents falsifiés ou en usurpant l’identité d’autrui ou tout autre moyen frauduleux, à l’effet de se soustraire à la présentation de documents officiels requis ou à l’accomplissement de la procédure exigée par les lois et règlements en vigueur. La même peine est applicable à toute personne qui quitte le territoire national en empruntant des lieux de passage autres que les postes frontaliers. »

L’article 42 stipule que « sont considérés comme complices d’une infraction ceux qui, sans participation directe à cette infraction, ont, avec connaissance, aidé par tous moyens ou assisté l’auteur ou les auteurs de l’action dans les faits qui l’ont préparée ou facilitée, ou qui l’ont consommée ». L’article 43 stipule qu' »est assimilé au complice celui qui, connaissant leur conduite criminelle, a habituellement
fourni logement, lieu de retraite ou de réunions à un ou plusieurs malfaiteurs exerçant des brigandages ou des violences contre la sûreté de l’Etat, la paix publique, les personnes ou les propriétés. »

Comment justifier sa détention depuis le 26 octobre?

Le problème dans ce dossier, c’est que le journaliste Mustapha Bendjama a été condamné à 6 mois de prison ferme, et depuis le 19 février, les six mois ont été purgés le 19 Aôut. Deux questions croisées se posent : Si Mustapha Bendjama n’était pas en détention préventive dans le dossier de Amira Bouraoui, pourquoi il n’a pas quitté la prison le 26 octobre avec Raouf Farah suite à leur condamnation à huit mois de prison fermes purgés le 19 octobre?Si c’est le contraire et qu’il était en détention provisoire dans le dossier de Amira Bouraoui, pourquoi il n’a pas quitté la prison le 7 novembre dernier car les six mois ont été purgés le 19 Aout?  Comment justifier sa détention du 26 octobre jusqu’au 7 novembre ?

Pour les deux avocats, la loi est claire : « Il faut dans ce cas se référer à l’article 13 de la loi n° 05-04 du 27 Dhou El Hidja 1425 correspondant au 6 février 2005 portant code de l’organisation pénitentiaire et de la réinsertion sociale des détenus ». Cet article stipule dans ses alinéas 1 et 3 que « Le point de départ de la durée de la peine privative de liberté est déterminé par l’acte d’écrou dans lequel la date et l’heure d’arrivée du condamné à l’établissement pénitentiaire sont indiquées ». Dans son alinéa 3, cette loi précise que « lorsqu’il y a détention provisoire, celle-ci est intégralement déduite de la durée de la peine et se calcule du jour où le condamné est incarcéré pour l’infraction ayant entraîné sa condamnation ». Autrement dit, Les six mois de condamnation de Mustapha Bendjama doivent être déduits de la durée calculée à partir du 19 février!

Pire, l’article 365 du code des  procédures pénales qui stipule qu’ « est, nonobstant appel, mis en liberté́ immédiatement après le jugement s’il n’est détenu pour autre cause, le prévenu détenu qui a été́ acquitté, ou absous ou condamné soit à l’emprisonnement avec sursis soit à l’amende » et qu’ « il en est de même du prévenu détenu condamné à une peine d’emprisonnement aussitôt que la durée de la détention aura atteint celle de la peine prononcée », et pire, l’article 44 de la constitution qui stipule : « Nul ne peut être poursuivi, arrêté́ ou détenu que dans les conditions déterminées par la loi et selon les formes qu’elle a prescrites. Toute personne arrêtée doit être informée des motifs de son arrestation. La détention provisoire est une mesure exceptionnelle dont les motifs, la durée et les conditions de prorogation sont définis par la loi. La loi punit les actes et les faits d’arrestation arbitraire ».

« Sa libération est indiscutable »

L’avocat Abdellah Heboul et ses confrères précisent encore une fois qu’aujourd’hui 16 novembre, « nous avons introduit une demande de remise en liberté basée sur les données et les documents ainsi que les textes de loi. Pour nous, la détention de Mustapha Bendjama est illégal et abusif. Il est en totale contradiction avec les articles cités précédemment. Son emprisonnement constitue une affaire à son droit fondamental à la liberté et à la sécurité comme stipulé par l’article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques paraphé par l’Algérie. Sa libération est indiscutable ».

Pour le moment, soit dix jours après la prononciation du verdict, le parquet de Constantine n’a pas communiqué  sur cette affaire pour expliquer les raisons et les textes lui permettant de maintenir Mustapha Bendjama en prison !

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