Plusieurs textes d’application des lois, n° 23-02 du 25 avril 2023 relative à l’exercice du droit syndical et n° 23-08 du 21 juin 2023 relative à la prévention, au règlement des conflits collectifs de travail et à l’exercice du droit de grève, deux textes contestés par l’ensemble des syndicats autonomes, mais aussi par l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), ont été publiés dans le dernier journal officiel (N° 67).
Il s’agit du décret n° 23-359 fixant les modalités d’appréciation de la représentativité́ des organisations syndicales, n° 23-360 fixant les modalités de détachement pour l’exercice d’un mandat syndical, n° 23-361 fixant la liste des secteurs d’activités et des postes de travail nécessitant la mise en œuvre d’un service minimum obligatoire et la liste des secteurs, des personnels et des fonctions, auxquels le recours à la grève est interdit, n° 23-362 fixant la périodicité́ des réunions obligatoires relatives à l’examen de la situation des relations socioprofessionnelles et des conditions générales de travail au sein des institutions et administrations publiques, n° 23-363 fixant les missions des médiateurs dans le domaine du règlement des conflits collectifs de travail, n° 23-364 fixant la composition, les modalités de désignation des membres de la commission nationale et de la commission de wilaya d’arbitrage en matière des conflits collectifs de travail et du décret n° 23-365 fixant les missions, la composition, les modalités de désignation du président et des membres du conseil paritaire de la fonction publique dans le domaine de la conciliation des conflits collectifs de travail.
Des textes qui, bien entendu, ont été confectionnés dans l’esprit des lois relatives, à l’exercice du droit syndical, pour la première, et à la prévention, au règlement des conflits collectifs de travail et à l’exercice du droit de grève, pour la deuxième et qui ont été largement contestées par les syndicats, aussi bien autonomes que l’UGTA qui, faut-il le rappeler, s’était insurgée fin janvier, quelques semaines donc avant la démission de son secrétaire général, Salim Labatcha, contre ces deux textes les jugeant contraires à la constitution et aux conventions signées par l’Algérie.
Contacté par nos soins, Boualem Amoura, le Secrétaire général du Syndicat autonome des travailleurs de l’éducation et de la formation (Satef), a déclaré au sujet de cet arsenal législatif, « non conformes à la constitution », comme il l’a rappelé, qu’ « il ne reste plus de droit à la grève ». « Ils ont instauré des conditions irréalisables pour aller vers une grève », a-t-il ajouté, tout en précisant qu’ils se sont aussi « immiscés dans la gestion des syndicats ». Le SG du Satef, pour qui « il y a atteinte aux droits sociaux des travailleurs », a estimé que les nouveaux textes sont « contraires aussi aux conventions 87 et 98 de l’Organisation internationale du travail ». Celles-ci concernent, faut-il le rappeler, la liberté syndicale et la protection du droit syndical (Convention n° 87) et le droit d’organisation et de négociation collective (Convention n° 98), deux conventions ratifiées par l’Algérie.
Des personnels et des fonctions interdits de recourir à la grève
Parmi ces sept décrets d’application publiés au journal officiel, il y a donc, celui « fixant la liste des secteurs d’activités et des postes de travail nécessitant la mise en œuvre d’un service minimum obligatoire et la liste des secteurs, des personnels et des fonctions, auxquels le recours à la grève est interdit ».
Son article 2 énumère « la liste des secteurs d’activités et des postes de travail nécessitant la mise en œuvre d’un service minimum obligatoire ».
On y trouve, par exemple, « les services publics de santé de permanence, des urgences », « les services de l’administration de la justice », « les services de manutention portuaire et aéroportuaire et de transport des produits reconnus dangereux, rapidement périssables ou liés aux besoins de la défense nationale », « les services liés à la production, au transport, au chargement et à la distribution de l’électricité́, du gaz, des hydrocarbures, des produits pétroliers et de l’eau », « les services d’enlèvement, de transport, d’entreposage, de traitement, de transformation ou d’élimination des ordures ménagères et de tous déchets ménagers, ainsi que les déchets similaires provenant des activités industrielles, commerciales, artisanales et autres qui, de par leur nature et leur composition, sont assimilables aux déchets ménagers relevant des municipalités et des autres secteurs concernés », « les services liés à la dispense des programmes pédagogiques », « les services des transports terrestres, ferroviaires, aériens et maritimes » ou encore « les services de l’administration communale chargés de l’état civil », pour ne citer que ceux-là.
Pour ce qui est des « des secteurs, des personnels et des fonctions, auxquels le recours à la grève est interdit », l’article 8 du même texte stipule que « la liste des secteurs concernés par l’interdiction de recourir à la grève englobe les domaines de la défense et de la sécurité́ nationales, ainsi que les secteurs stratégiques et sensibles en termes de souveraineté́ ou de maintien des services essentiels d’intérêt vital pour la Nation ». « Elle vise, également, à maintenir la continuité́ des services publics essentiels et à assurer l’approvisionnement en besoins essentiels du pays et de la population dont l’interruption pourrait exposer le citoyen à des risques pour sa vie, sa sécurité́ ou sa santé, ou potentiellement conduire, par les conséquences de la grève, à une crise grave », ajoute le même article, en précisant que « ces secteurs comprennent, notamment les services de la justice, de l’intérieur, de la protection civile, des affaires étrangères, des finances, des affaires religieuses, de l’énergie, des transports, de l’agriculture, de l’éducation et de la formation et de l’enseignement professionnels ».
A cet effet, l’article 9, énumère « la liste des personnels et des fonctions dans les secteurs prévus dans les dispositions de l’article 8, ou de ceux assurant des fonctions d’autorité́ au nom de l’Etat et interdits de recourir à la grève ».
Il s’agit des « magistrats, fonctionnaires nommés par décret ou en poste à l’estranger, personnels des services de sécurité, agents de sécurité́ interne en mission de protection des sites et établissements, personnels des services de la protection civile, agents des services d’exploitation du réseau des transmissions nationales des ministères chargés de l’intérieur et des affaires étrangères, agents actifs des douanes, corps de l’administration pénitentiaire, imams des mosquées, contrôleurs de la navigation aérienne et maritime, personnels des établissements comprenant des installations sensibles et stratégiques, personnels des centres de contrôle d’installations, de téléconduite du système électrique national et des réseaux d’énergie, agents appartenant aux corps spécifiques de l’administration des forêts, directeurs d’établissements publics de l’éducation nationale et le personnel d’inspection dans les secteurs de l’ éducation, de la formation et de l’ enseignement professionnels ».
La publication de ces sept décrets d’application va certainement remettre sur la table la question des deux lois, relatives, à l’exercice syndical et au droit de grève. Les syndicats autonomes ont, à maintes reprises, réclamé leurs retraits lorsqu’ils étaient en examen au niveau de l’APN. Ils ont même sollicité, dans un courrier, le Président de la République. Mais en vain. Les deux textes avaient été adoptés par les deux chambres du Parlement, sans grand changement par rapport aux moutures initiales, et publiés au journal officiel, respectivement aux mois de mai et juin derniers.