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Enlèvement de Slimane Bouhafs: un an après, sa famille écrit à Kaïs Saïed

Ce jeudi 25 août 2022, jour pour jour, ça fera un an que l’activiste de confession chrétienne, Slimane Bouhafs, aura été «enlevé» en Tunisie puis transféré «par force» -selon sa famille- en Algérie où il se trouve, depuis, derrière les barreaux et sans aucun jugement.

À l’occasion, sa famille a choisi de s’adresser non pas aux autorités algériennes, mais au président tunisien Kaïs Saïed. La Tunisie «devait protéger» Slimane Bouhafs qui bénéficiait du statut de réfugié, estiment ses enfants dans une lettre ouverte adressée au locataire du Palais de Carthage, dont Inter-lignes détient une copie.

«Notre père, Monsieur Slimane Bouhafs s’est exilé dans votre pays en 2018, où il a obtenu le statut de réfugié auprès du Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR), car il était vraiment en danger dans notre pays, l’Algérie. Il se croyait protégé en Tunisie, bien à l’abri de tout malheur, hors de tout risque, menace ou danger, alors qu’en Algérie il était ciblé pour son activisme pacifique», rappelle d’emblée la famille Bouhafs, dans sa correspondance. Mais, poursuit-elle, «malheureusement, il y a un an exactement, le 25 août 2021, notre père a été brutalement kidnappé dans son domicile à Cité Ettahrir, Tunis».

«Il se croyait protégé en Tunisie»

À l’époque des faits, la famille avait, rappelons-le, signalé la disparition de Bouhafs et a pu confirmer que des voisins avaient aperçu «trois individus en tenue civile», pénétrer dans son domicile et l’emmener de force à bord d’une voiture. Des médias ont rapporté 4 jours plus tard qu’il se trouvait dans les locaux d’un commissariat de police à Alger. Le 1er septembre, l’activiste sera placé sous mandat de dépôt par le juge d’instruction près le tribunal Sidi M’hamed, pour des accusations de «terrorisme» en raison de ses présumés liens avec Ferhat Mehenni, leader du MAK (Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie), classé comme «entité terroriste» par les autorités algériennes.

Depuis, sa famille ne sait plus à quel saint se vouer. Malgré les appels d’ONG et des interpellations des rapporteurs spéciaux des Nations-Unies, le dossier est resté au point mort. En attente toujours d’un procès pour des accusations «qui n’ont aucun fondement», estime sa famille, Bouhafs est «extrêmement affaibli, physiquement et mentalement», alerte-elle.

Bouhafs «extrêmement affaibli»

Si les enfants de Slimane Bouhafs s’en remettent à Kaïs Saïed, c’est parce qu’il avait pris l’engagement d’enquêter sur l’affaire de sa disparition forcée sur le territoire tunisien. «(…) cela fait des mois que nous attendons la réalisation de votre promesse», lui expliquent-ils, non sans lui rappeler que le 2 septembre 2021, il avait affirmé lors d’une rencontre avec la Ligue tunisienne de défense des droits de l’Homme (LTDDH) «ne pas avoir d’informations» sur le sujet mais s’est «engagé à ouvrir une enquête».

Hélas, «aujourd’hui, ni le HCR ni l’Etat tunisien ne prennent la peine de nous donner (une) quelconque information pour que les vrais coupables soient retrouvés et punis. Personne n’a rien fait !», déplore la famille de Bouhafs qui invite Saïed «à imaginer les souffrances» qu’a enduré l’activiste.  

Saïed avait promis d’enquêter

Sans vouloir faire le récit de toute l’histoire de leur père, les expéditeurs de la lettre ouverte expliquent au président tunisien: «Nous faisons appel à vous car il était sous votre protection dans votre pays». Et qu’en vertu du droit international, «la Tunisie doit protéger les réfugiés et ne (doit) pas les renvoyer vers un pays où ils risquent d’être persécutés».

Ainsi, la famille Bouhafs demande au chef de l’Etat tunisien «où en est l’enquête suite à la plainte déposée auprès du Tribunal de première instance le 8 octobre 2021» et «pourquoi la Tunisie n’a toujours pas répondu à la communication des Procédures Spéciales des Nations-Unies du 20 septembre 2021, qui demande seulement des éclaircissements ?». Des interrogations qui renforcent les doutes sur un supposé rôle qu’auraient joué les autorités tunisiennes dans cet enlèvement suivi d’extradition.

Une plainte sans suite

Ancien policier converti au christianisme, Slimane Bouhafs (55 ans) avait déjà passé 20 mois en prison. En septembre 2016, il a été condamné à 3 ans de prison ferme pour «atteinte à l’islam et au prophète Mohamed» sur la base de publications sur Facebook. Il a quitté la prison fin mars 2018, après avoir bénéficié de mesures de la grâce présidentielle.

«Notre père a cruellement souffert, pour la seule raison qu’il a décidé de devenir chrétien et de militer pour l’égalité entre chrétiens et musulmans, entre arabes et amazigh; aujourd’hui encore il souffre pour cela», pleure la famille de Bouhafs. Avant de conclure en réclamant  «le respect» de ses droits et que lui soit garantie «une enquête impartiale».

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