FIBDA 2023 : Yasmina Khadra séduit les algériens

Le festival international de la bande dessinée d'Alger (FIBDA 2023) a accueilli, samedi 07 novembre 2023 à 16h, Yasmina Khadra, au niveau de l'esplanade de Riadh El-Feth, où il a animé une conférence avec pour thème : l'adaptation de ses romans en BD.
© INTERLIGNES | Yasmina Khadra lors de la 15e édition du FIBDA, en compagnie de Marion Duclos (illustratrice) et d'Eric Dérian (éditeur)

Modérée par le journaliste, poète et auteur, M. Lazhari Labter, et en compagnie de l’illustratrice française, Mme. Marion Duclos, et de l’éditeur des éditions Philéas, M. Eric Dérian. La conférence a permis au public présent d’en savoir un petit peu plus sur leur écrivain préféré, Yasmina Khadra, et de sa passion pour la bande dessinée, ainsi que sur l’adaptation de ses romans en BD.

Ce que le jour doit à la nuit, un de ses best-sellers, paru en 2008 et adapté au cinéma, par Alexandre Arcady a également été un des sujets évoqués lors de la prise de parole par l’auteur.

Quand on lui a posé la question sur son ressenti et sa pensée en voyant ses œuvres adaptées en bande dessinée, il répond que cela lui fait énormément plaisir, qu’il est extrêmement heureux et redevable à ceux qui adaptent ses écrits, que ce soit pour le théâtre ou pour le cinéma, et s’estime chanceux de figurer sur plusieurs supports artistiques, en déclarant qu' »un artiste c’est sacré, car il a le droit d’avoir sa propre version des choses, et voir à travers ses propres prismes ». 

Sur la même lancée, Khadra avoue que, quelques fois, on est satisfait de son travail, d’autres fois, on ne l’est pas, comme le cas de l’adaptation de son roman Ce que le jour doit à la nuit, où il déclare que « ce n’était pas ce que j’attendais vraiment sur l’adaptation de mon roman en bande dessinée, je n’ai pas apprécié le dessin, l’histoire est presque une tragédie. J’aurais aimé que l’image soit saisissante et significative à la fois », et de rajouter « ça peut ne pas me parler, et parler aux jeunes, et ça peut aussi parler à mes filles, puisqu’elles l’ont aimé, c’est jute une question d’appréciation. Je suis un vieillard, je n’ai pas la même façon d’apprécier une BD comme les jeunes ».

Et de rajouter l’exemple sur son autre roman qu’est Les hirondelles de Kaboul, où, il dira que ce dernier a été primé et vanté, mais en tant qu’écrivain « je trouvais que la fin du roman n’existait pas dans le film, le film devient alors autre chose que le roman. Mon livre par exemple n’a aucune espèce de valeur s’il n’y a pas cette fin, tout ce que j’ai écrit, c’est pour arriver à cette fin là, pour montrer tout le côté absurde de l’homme lorsqu’il croit avoir une souveraineté, un pouvoir presque divin sur la femme, il veut la néantiser, et finalement, par cette volonté de néantiser la femme, il a été néantisé par ses propres semblables ». 

En prenant la parole, Marion Duclos indique que l’adaptation / traduction d’une œuvre était toujours une « trahison » par rapport à l’œuvre originale, ce à quoi, Yasmina Khadra répond avec fermeté que, selon lui, le terme « adapter » se conjugue avec le mot adopter.

A un moment, Lazhari questionne le romancier sur la façon avec laquelle les personnages se construisent par rapport à la description dans le roman, sur le plan physique et psychologique, en passant de la littérature des romans parfois complexes aux personnages souvent labyrinthiques, qui paraissent très simples vers la bande dessinée. Marion admet que c’est une « interprétation » comme le cas d’ailleurs du personnage de Younes (Jonas dans Ce que le jour doit à la nuit) qui est, selon elle « fascinant », car il se retrouve dépossédé de sa propre vie, mais qui reste, tout de même profondément humain, et c’est la raison pour laquelle, le livre est profond aussi. Khadra confesse que le passage du texte à l’image, c’est aussi « voir comment le texte est perçu par les autres, surtout par les artistes qui ont leur propre sensibilité, leur propre manière d’imaginer ».

Les romans de Yasmina Khadra sont traduits dans plusieurs langues, environ une cinquantaine, et selon Lazhari Labter comme il l’évoque « traduire une œuvre, c’est quelque part la réécrire, elle devient autre chose, elle devient une autre œuvre, mais tout en étant la même ».  Et de demander aussi si, une fois l’œuvre est « publique », l’auteur n’a plus la main, que (l’œuvre) peut être adaptée dans les différents genres, à savoir au cinéma ou en BD, sans qu’il n’ait à intervenir. Yasmina Khadra précise qu’une mère accouche d’un enfant, l’élève et l’aide ainsi à grandir, par la suite, l’enfant s’investit dans la société, il appartient donc à la société, mais il restera toujours à sa mère, une œuvre est pareille, il (Khadra) reste attentif à l’aventure du roman, mais, une fois que le lecteur l’achète, le livre devient sien, mais le texte ne lui appartiendra jamais.

Il admet que c’est son « rêve » d’écrire pour les enfants, mais qu’à chaque fois qu’il tente de s’y mettre, il pense à Antoine De Saint-Exupéry et se demande ainsi, comment arrivera-t-il à écrire quelque chose de meilleur que « Le Petit Prince« , en ajoutant que, lorsqu’il écrit ses romans, il « croit dans ce qu’il fait, en ses personnages, dans son style, mais pour les enfants, il faut être à leur hauteur, qu’ils sont très exigeants ».

Contre toute attente, il pousse un coup de gueule face à une question posée par une personne du public qui lui demande pourquoi le ministère de la culture importe les dessins animés de l’extérieur, alors qu’il y a énormément de jeunes dessinateurs algériens qu’il faudrait prendre en considération. Il répond clairement que la culture en Algérie est « marginalisée et disqualifiée » , que même les jeunes d’aujourd’hui n’y croient plus, qu’il y a des « talents monstrueux dans ce pays », il continue même en admettant que c’était la première fois qu’il assistait au festival qui a 14 ans d’existence, et que selon lui « il y a des clans, il y a une façon de disqualifier les meilleures images que nous avons de ce pays. La véritable porte de sortie pour l’Algérie est la culture, lorsqu’on aura du respect pour les artistes, les éditeurs, écrivains, à ce moment là, nous pourrons dire que nous sommes sur le bon chemin, mais pas avant ».

Une séance dédicaces s’en est suivie au stand de Casbah Editions, une fois la conférence terminée.

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