Interdictions des ventes dédicace et des salons de livres en Kabylie : des éditeurs et des auteurs inquiets 

Depuis quelques mois, des salons de livres, pourtant habituels et drainant un fort public, sont interdits. Des ventes dédicace, qui permettent également aux lecteurs d’aller à la rencontre de leurs auteurs préférés, sont annulées, ou plutôt non autorisées par l’administration locale et centrale. Pourquoi ? On n’en sait rien.
© DR | Hedia Bensahli, auteur du livre "l’Algérie juive", dont les séances de vente dédicace prévues à Tizi-Ouzou et Alger sont annulées

Mais la situation commence à inquiéter, à la fois, les éditeurs et les auteurs qui évoluent déjà dans un contexte marqué par de nombreuses incertitudes, voire par la précarité. Saïd Sadi, ancien président du RCD et un des auteurs les plus prolifiques ces dernières années, dénonce vigoureusement cette situation.

« Depuis plusieurs mois, les manifestations culturelles en Kabylie font l’objet d’interdictions illégales qui frappent les auteurs et menacent de rétorsions les organisateurs ; une politique qui nous renvoie aux ténèbres du parti unique », condamne-t-il dans un long texte sur page Facebook.

Le Dr Sadi affirme, dans la foulée, que « cette semaine, un nouveau palier vient d’être franchi puisque ce sont les éditeurs qui sont sommés de rentrer dans le rang de la pensée unique ». Il cite le cas des « éditions Frantz Fanon sont interdites d’organiser une vente dédicace d’un livre publié depuis plus d’une année traitant des traces juives en Algérie ». « Son directeur est soumis à une procédure policière dont nul ne connait précisément, pour l’instant, les véritables raisons et objectifs », écrit-il.

Saïd Sadi revient aussi sur le cas des « éditions Koukou qui sont exclues du salon du livre amazigh de Bejaia pour des motifs fallacieux ». « Aujourd’hui, la librairie Cheikh, site emblématique de la littérature régionale, vient de rendre public un communiqué où elle annonce ne plus organiser des rencontres avec les auteurs », ajoute-t-il.

« Répression culturelle »

Selon lui, « ce harcèlement se perpétue et se renforce en Kabylie où le livre français ou amazigh devient en soi un délit ». « La suspicion politique de la région est officiellement assumée : malgré une demande populaire importante, les centres culturels français sont interdits à Tizi-Ouzou, Bejaia et Bouira alors qu’ils sont ouverts à Alger, Tlemcen, Oran, Constantine et Annaba. Une stratégie qui ne manquera pas d’alimenter des exaspérations dont le pouvoir joue pour stigmatiser une région qui ne se soumet pas à la caporalisation ambiante », ajoute-t-il.

L’ancien président du RCD affirme également, dans ce sens, « qu’aucune loi ne justifie cette répression culturelle ». « La pression est exercée par des cercles fondamentalistes tapis dans de nombreuses niches de l’État auquel ces dernières imposent leurs oukases. Quand les décisions de l’administration sont inspirées, voire dictées par des sectes sans fonctions officielles, cela ouvre la voie à des aventures qui peuvent éteindre les libertés citoyennes, mais atteindre aussi l’État lui-même », précise-t-il.

Hier, rappelons-le, la librairie Cheikh annonce sa décision d’arrêter, à compter du 28 octobre courant, de recevoir toute vente dédicace. « La libraire restera néanmoins ouverte et offrira comme d’habitude le meilleur de ses services », précise cette célèbre librairie dans un message diffusé sur sa page officielle sur les réseaux sociaux.

Les éditions Koukou et son directeur, Arezki Aït Larbi ne cessent de dénoncer, depuis quelques mois, « des actes de censure » et « un harcèlement, dont ils font l’objet en l’excluant des salons de livre et en interdisant ses ventes dédicaces ».