Adel et Boumediène Gaid Salah ont pu, au fil des années, amasser une fortune qu’ils croyaient à jamais à l’abri. Or, les deux frères, jusqu’au là intouchables, font actuellement l’objet de plusieurs enquêtes judiciaires. Placés sous interdiction de sortie du territoire national (ISTN) le 18 août, la Justice est entrain de repasser au microscope les dossiers de leur fortune afin de remonter à son origine. Pour divulguer les biens mal acquis des deux frères, plusieurs parties se disent partantes.
En effet, « victimes d’abus de pouvoir et d’autorités » comme ils le disent, plusieurs cadres et personnes proches du dossier des deux frères ont déterré la hache de guerre et participé à la vulgarisation des biens restés jusqu’à aujourd’hui secrets ou, du moins, de simples rumeurs.
Selon des témoignages récoltés par le quotidien francophone El Watan et divulgués dans le numéro de ce lundi 31 août, si Adel et Boumediène ont pu faire fortune c’est sous l’influence de leur défunt père, Ahmed Gaid Salah, ancien général de corps d’armée, vice-ministre de la Défense nationale et chef d’état-major de l’Armée nationale populaire, et grâce à d’anciens dirigeants qui « répondaient favorablement à toutes leurs sollicitations » dont l’ex-wali de Annaba El Ghazi, actuellement en prison.
Des professionnels entrainés en Justice dans le cadre du même dossier, tentent le tout pour le tout pour sauver leur peau. Au quotidien à El Watan, ils vident leur sac. Selon eux, Adel et Boumediène « ont pu acquérir dans le cadre du dispositif Calpi, actuellement Calpiref, plusieurs entreprises au dinar symbolique. Il en est ainsi de la Sarl AGB Aïn Yagout, le nom éponyme du village natal de leur défunt père à Batna, spécialisée dans la transformation du blé dur et tendre. Acquise en 2013, Boumediène recevait, dès le premier jour de l’achat, son quota de blé de l’OAIC, même si l’entreprise n’existait qu’administrativement », ont-ils révélé.
« Cependant », pointent les témoins « les installations de sa minoterie n’ont commencé à tourner qu’en 2016. Où sont passés les milliers de tonnes de blé subventionné, entre 2013 et 2016, sachant qu’une simple vérification de la consommation électrique durant cette période creuse fera jaillir la vérité ?» s’interrogent-ils.
Ils évoquent aussi la Sarl Righia, implantée dans une commune de Annaba et spécialisée dans l’embouteillement de l’eau de source. D’après eux, « au début, cette société a été construite sur trois hectares, pour passer à la faveur d’une récente extension à dix hectares ».
«Il faut citer aussi les dizaines de projets acquis dans le même cadre mais vendus à des tiers. Obtenus en tant que Sarl, ils les concèdent par la suite en modifiant simplement le statut de la société chez un notaire, où ils se retirent en laissant la place à de nouveaux acquéreurs», ajoutent-ils.
Des cadres de la direction nationale des domaines ont également vidé leur sac au quotidien participant ainsi à la vulgarisation des biens des deux fils Gaid Salah. Selon leurs informations, «outre les entreprises, ils disposent aussi de nombreux terrains à forte valeur foncière dans plusieurs wilayas du pays. S’ils ne sont pas revendus, ils sont construits en building », ont-ils révélé.
« Celui du boulevard de l’ALN, à quelques pas du Cours de la Révolution, appartient à Adel qui, en plus d’avoir un port sec et un journal régional, dispose aussi de plusieurs villas, achetées dans le cadre des ventes aux enchères. En l’absence de sérieux participants, il aura toujours le dernier mot : ‘‘Adjugé’’», dénoncent-ils.
Même l’institution militaire, l’une des plus importantes de l’Etat, n’a pas échappé à l’influence des frères Gaid Salah. Selon les mêmes témoignages, « ils nomment et dégomment des cadres à souhait, même au sein des institutions sécuritaires. L’ex-chef de sûreté de la wilaya de Annaba, qui occupait le même poste à El Tarf, aurait été nommé après leur intervention. Sa mise en disgrâce serait aussi liée à ses liens avec eux. Les multiples interventions de la famille du défunt Ahmed Gaïd Salah pour le maintenir n’ont pas eu raison de la décision tranchée par sa hiérarchie», a révélé un haut cadre à la direction de la Sûreté nationale d’Alger au dit quotidien.
A en croire les mêmes sources, le beau-frère d’Adel et Boumediène actuellement en poste à l’ambassade d’Algérie en France, chargé du social, a lui aussi tiré profit. « Cet ancien médecin militaire au bureau de recrutement de Annaba a pu décrocher un projet dans le cadre du Calpi du temps de l’ancien wali El Ghazi », rapporte le quotidien el Watan.
Selon lui, ce projet « initialement attribué pour la réalisation d’une clinique médicale, la Sarl El Bahdja, dont il est le gérant, a été transformée, comme par enchantement, en promotion immobilière. Sur le même terrain – qui appartiendrait aux domaines – sont érigées actuellement sept villas, à vendre ».
Notons, par ailleurs, que le placement sous ISTN de Adel et Boumediène Gaïd Salah, prise par le parquet près le tribunal de Dar El Beida à Alger, serait motivée par les déclarations de l’ancien secrétaire personnel d’Ahmed Gaid Salah, Guermit Bounouira. Le prévenu a été remis par la Turquie aux autorités algériennes en fin juillet et a été présenté devant le tribunal militaire de Blida le lundi 03 août. Selon le ministère de la Défense nationale, le prévenu est poursuivi pour “haute trahison”. Il est actuellement en détention.