Libye : gouverneur de la BCL remplacé, production pétrolière stoppée à l’Est et l’ONU appelle à des pourparlers

Les autorités de l'Est de la Libye ont stoppé lundi 26 août 2024 la production et les exportations de pétrole dans un bras de fer de plus en plus tendu avec le gouvernement de Tripoli pour le contrôle de la Banque centrale, au cœur de la gestion de la manne pétrolière. La Mission d'appui de l'ONU en Libye (Manul) a « convoqué une réunion d'urgence de toutes les parties impliquées dans la crise de la BCL pour atteindre un consensus fondé sur des accords politiques, des lois et le principe de l'indépendance de la BCL ».
© DR | Le gouverneur de la Banque centrale de Libye, Seddik el-Kebir

« Le gouvernement de Benghazi (Est) a décrété la fermeture de tous les gisements et terminaux pétroliers », installés à près de 90% dans l’Est et le Sud, des zones contrôlées par le clan du maréchal Khalifa Haftar, ainsi que « l’arrêt des exportations jusqu’à nouvel ordre ».

En proie au chaos depuis la chute et la mort de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye est gouvernée par deux exécutifs rivaux : le Gouvernement d’union nationale d’Abdelhamid Dbeibah installé à Tripoli (Ouest) et reconnu par l’ONU, et l’autre dans l’Est, soutenu par Haftar et ses fils.

L’Est a pris ces décisions en riposte à l’entrée lundi dans les locaux de la Banque centrale de Libye (BCL), à Tripoli, d’une commission dite « de passation de pouvoirs », nommée par le Conseil présidentiel et réputée proche de M. Dbeibah.

« Incursion par la force »

Des photos diffusées par des médias locaux montrent ses membres dans le bureau du gouverneur, en l’absence de ce dernier, après la fermeture de l’institution la veille et la mise en congé du personnel, en train de parcourir les couloirs ou de trier des trousseaux de clés.

Les blocages de sites pétro-gaziers ont été fréquents ces dernières années en Libye, pays aux réserves les plus abondantes d’Afrique, liés soit à des revendications sociales, soit à des menaces sécuritaires ou à des différends politiques.

Mais grâce à une accalmie, la production était remontée récemment à environ 1,2 million de barils par jour (contre 1,5 à 1,6 million avant 2011).

La BCL centralise les recettes des exportations d’hydrocarbures et gère le budget de l’Etat qui est ensuite redistribué entre les différentes régions y compris l’Est.

Dernièrement, ce gouverneur de la BCL, Seddik el-Kebir, en poste depuis 2012, était critiqué par l’entourage de M. Dbeibah pour sa gestion de la manne pétrolière et du budget, considérée comme trop favorable au clan Haftar.

Le gouvernement de l’Est a dénoncé dans son communiqué des « attaques et tentatives d’incursion par la force », visant à prendre le contrôle de la BCL de manière « illégale ».

Le 11 août, plusieurs dizaines de personnes, dont certaines armées, avaient tenté d’expulser le gouverneur du bâtiment. Une semaine plus tard, le directeur informatique de la BCL était brièvement enlevé.

Selon les médias locaux, avant de quitter les lieux, le gouverneur a ordonné la suspension des opérations de la BCL, qui vont se répercuter sur les retraits, virements et autres transactions en Libye et à l’international.

L’ONU et Washington appellent à des pourparlers

L’ONU et les Etats-Unis ont appelé mardi les acteurs politiques en Libye à une réunion « urgente » pour désamorcer la crise autour de la Banque centrale (BCL) et le blocus de la production et des exportations de pétrole.

Exprimant sa « profonde préoccupation face à la détérioration de la situation », la Mission d’appui de l’ONU en Libye (Manul) a « convoqué une réunion d’urgence de toutes les parties impliquées dans la crise de la BCL pour atteindre un consensus fondé sur des accords politiques, des lois et le principe de l’indépendance de la BCL », selon un communiqué. L’ambassade des Etats-Unis en Libye a qualifié cette proposition de « voie à suivre pour résoudre la crise entourant la Banque centrale ».

Résoudre la crise de la BCL « est une nécessité urgente », a souligné la Manul, mettant en garde contre un risque d’ « effondrement financier et économique du pays ». Elle a qualifié de « décisions unilatérales » aussi bien celle du Conseil présidentiel, en accord avec le Premier ministre Dbeibah, de remplacer le gouverneur de la BCL Seddik el-Kebir, que la fermeture jusqu’à nouvel ordre des gisements et terminaux pétroliers par le camp Haftar, principalement basés dans l’Est et le Sud qu’il contrôle.

Outre des pourparlers, l’ONU a demandé aux parties de suspendre les décisions « unilatérales » concernant la BCL, garantir la sécurité de ses salariés et lever le blocus pétrolier. L’ambassade américaine a déploré des « informations (…) préoccupantes faisant état d’arrestations arbitraires et d’intimidations à l’encontre d’employés de la BCL ».

Il faut rappeler qu’entre avril 2019 et juin 2020, Haftar, avec le soutien d’alliés étrangers (dont la Russie et l’Egypte) avait lancé une offensive pour s’emparer de Tripoli, stoppée in extrémis en périphérie de la capitale par les forces du gouvernement, appuyées par la Turquie.

Vendredi, le ministre de l’Intérieur Imad Trabelsi a fait état d’une réorganisation à Tripoli de la présence des groupes armés et forces sécuritaires pour « sécuriser » les ports, aéroports et institutions gouvernementales à Tripoli.

Ces dernières semaines, la Mission d’appui de l’ONU en Libye (Manul) et plusieurs ambassades ont appelé à « une désescalade » des tensions dans la capitale.

Avec AFP

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