Médias : Cessation de publication de Radio M

« Radio M », de Ihsane El Kadi, en prison depuis décembre 2022 et condamné le 18 juin 2023, en appel, à sept ans de prison, dont cinq ans ferme, a annoncé, dans un communiqué, la « cessation de publication ». 
© DR | Radio M

« C’est avec le cœur lourd que nous, journalistes de Radio M, vous annonçons la cessation de publication de notre site web ». C’est avec ces mots que le communiqué, signé par « l’équipe de radio M », commence pour annoncer la fin d’un média né il y a 11 ans.

« Née en 2013 entre les murs d’une petite cuisine à Alger centre, Radio M est vite devenu un média incontournable pour les adeptes des débats libres et de l’information indépendante. 11 ans de combats. De luttes. De débats passionnés et passionnants. Mais 11 ans aussi d’espoir, enveloppé dans une ambition de développement constant et une ambition inébranlable d’être à l’écoute de toutes les mutations d’une société mosaïque, plurielle, multiple, riche, jeune, vivante et exigeante », a indiqué l’équipe dans son communiqué.

Tout en rappelant que « le 13 juin 2024, la Cour d’appel d’Alger a confirmé la dissolution d’Interface Médias, entreprise éditrice de Radio M, la confiscation de tous ses biens saisis, et dix millions de dinars d’amende », le collectif précise : « l’entrée en vigueur prochaine d’un nouvel arsenal juridique régissant les médias algériens rend notre activité impossible ».

Ainsi, « depuis l’arrestation de son directeur de publication, Ihsane El Kadi, en décembre 2022 et de la saisie de tout le matériel de la radio et de la mise sous scellés de son siège, le titre a continué à exister malgré le harcèlement continu de ses journalistes par les autorités, la lourde condamnation de son directeur à sept ans de prison dont cinq fermes et les poursuites en justice de l’entreprise éditrice ».

« La poursuite des activités du titre Radio M, devenu inaccessible sur le web en Algérie début 2023, s’est faite dans des conditions extrêmement difficiles. Une survie rendue possible grâce aux efforts d’une équipe de rédacteurs bénévoles et totalement engagée à maintenir en vie une voix divergente dans un climat de forte répression de toutes les expressions médiatiques dont la ligne éditoriale ne répond pas aux normes édictées par le pouvoir », a ajouté la même source.

Néanmoins, « aujourd’hui, nous sommes arrivés à une étape où nous considérons qu’il n’est plus possible de maintenir dans ces conditions la publication de Radio M et ce pour toutes les raisons évoquées », a annoncé l’équipe de Radio M.

« Nous prenons la décision, la plus douloureuse qui soit pour l’équipe qui l’a vu naître et fait vivre, de mettre fin à la publication de Radio M. Nous restons malgré tout optimistes pour une renaissance de la liberté d’expression, la libération d’Ihsane El Kadi et de tous les autres détenus d’opinions et un retour – l’avenir proche nous le dira- d’une presse indépendante en Algérie. Ce sera notre combat », dit-elle en définitive.

Ihsane El Kadi en prison depuis le 29 décembre 2022

Il est utile de rappeler que Ihsane El Kadi avait été arrêté, dans la nuit du 23 au 24 décembre 2022 à son domicile, à Boumerdes.

Il a passé cinq jours en garde à vue dans les locaux de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), avant d’être présenté devant la justice puis placé, le 29 décembre 2022, en détention provisoire.

Le journaliste et directeur de publication des médias « Radio M » et « Maghreb Emergent » a été poursuivi sur la base des articles 95 et 95-bis du Code pénal relatifs à la « réception de fonds de l’étranger à des fins de propagande ». Des accusations que ses avocats ont contestées à maintes reprises.

Lors de son procès qui s’est tenu en mars 2023 (verdict prononcé le 2 avril 2023), Ihsane El Kadi a été condamné à 5 ans de prison dont trois ans ferme.

Le tribunal de Sidi M’hamed a également prononcé la dissolution de la société « Interface Média », éditrice de « Radio M » et « Maghreb Emergent », la confiscation des biens, et 10 millions de dinars d’amende ainsi qu’un million de dinars de dédommagement à l’Autorité de régulation de l’audiovisuelle (ARAV), qui s’est constitué partie civile, deux mois après la constitution du dossier.

La condamnation du journaliste a été aggravée lors de son procès en appel qui s’est tenu le 4 juin de la même année (verdict prononcé le 18 juin 2023). El Kadi est condamné, par la Cour d’appel d’Alger, à sept ans de prison dont cinq ans ferme. 

Concernant la société « Interface Média », le verdict prononcé en première instance a été confirmé.

En octobre 2023, la Cour suprême rejette les deux pourvois en cassation introduits par le collectif de défense du journaliste Ihsane El Kadi, l’un relatif à cette affaire, l’autre concerne sa condamnation à six mois de prison ferme en 2021, suite à une plainte déposée par l’ancien ministre de la communication, Amar Belhimer. 

Sa condamnation était donc définitive. Tout comme pour ce qui est de « Interface Média », éditrice de « Radio M » et « Maghreb Emergent ».

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