Niger : feu vert ouest-africain à la force, manifestation près de la base française à Niamey

Les dirigeants de la Cédéao ont donné le feu vert à l'usage de la force pour rétablir le président Mohamed Bazoum renversé par un coup d'Etat, même s'ils ont réaffirmé leurs espoirs d'une résolution par la voie diplomatique. Par ailleurs, des milliers de partisans des militaires, auteurs du coup d'état ont manifesté vendredi 11 août 2023 près de la base française à Niamey.
© DR | Manifestation des partisans des militaires, auteurs du coup d'état, le 3 août dernier à Niamey

Réunis jeudi 10 août à Abuja, les dirigeants de la Cédéao ont décidé d’activer et déployer une « force en attente » pour rétablir M. Bazoum, sans révéler le calendrier ni les modalités d’une intervention. Les chefs d’état-major de la Cedeao vont se rencontrer aujourd’hui, samedi 12 août 2023 à Accra, avant de faire part aux dirigeants de l’organisation « des meilleures options » quant à leur décision d’activer et de déployer sa « force en attente », selon des sources militaires régionales.

Selon le président ivoirien Alassane Ouattara, dont le pays contribuera à la force, elle devrait pouvoir intervenir « dans les plus brefs délais ». Dans le même temps, plus de deux semaines après le coup d’Etat qui l’a renversé le 26 juillet, les craintes grandissaient quant aux conditions de détention et au sort réservés au président Mohamed Bazoum, prisonnier avec sa famille depuis.

L’Union européenne (UE), l’Union africaine (UA) et l’ONU ont dénoncé « la détérioration des conditions de détention » de M. Bazoum, retenu prisonnier avec sa femme et son fils, « inhumaines » selon l’ONU.

A Abuja, la Cédéao a toutefois réaffirmé son espoir d’une résolution par la voie diplomatique : le président du Nigeria Bola Tinubu, qui assure la présidence tournante de la Cédéao, a dit espérer « parvenir à une résolution pacifique », un recours à la force n’étant envisagé qu’en « dernier ressort ».

Pour le Norwegian Refugee Council (NRC), « l’escalade militaire ne doit pas pousser le Niger et la région dans une crise humanitaire plus profonde ».

Manifestation vendredi des partisans des militaires auteurs du coup d’état

« A bas la France, à bas la Cédéao », ont scandé les manifestants lors d’un rassemblement qui s’est tenu dans le calme, au lendemain du sommet de la Cédéao. Ils ont brandi des drapeaux russes et nigériens et crié leur soutien aux militaires qui ont pris le pouvoir, en particulier leur chef, le général Abdourahamane Tiani.

« Nous allons faire partir les Français ! La Cédéao n’est pas indépendante, c’est une manipulation de la France, il y a une influence extérieure », a dit Aziz Rabeh Ali, membre d’un syndicat étudiant soutenant le régime militaire. Depuis leur prise de pouvoir, les militaires ont pris la France – ex-puissance coloniale – pour cible privilégiée, l’accusant d’être en sous-main à l’origine de la décision de la Cédéao de déployer au Niger sa « force en attente » pour rétablir l’ordre constitutionnel.

La France, alliée du Niger avant le coup d’Etat et soutien indéfectible du président renversé, y déploie quelque 1.500 hommes engagés avec l’armée nigérienne dans la lutte contre les groupes djihadistes qui minent une grande partie du Sahel.

Il faut rappeler que la menace d’intervention avait été brandie une première fois le 30 juillet par la Cédéao qui avaient lancé un ultimatum de sept jours aux militaires de Niamey pour rétablir le président Bazoum, sous peine d’utiliser « la force », non suivi d’effet.

Depuis, les nouveaux maîtres du Niger se sont montrés intransigeants en ayant refusé mardi d’accueillir une délégation conjointe de la Cédéao, de l’Union africaine (UA) et de l’ONU. Les généraux au pouvoir à Niamey considèrent la Cédéao comme une organisation « à la solde » de la France. Juste avant le sommet d’Abuja, ils ont également annoncé la formation d’un nouveau gouvernement dirigé par un Premier ministre civil qui s’est pour la première fois réuni vendredi.

Tous les pays d’Afrique de l’Ouest ne sont pas hostiles au nouveau pouvoir nigérien : le Mali et le Burkina Faso voisins ont affiché leur solidarité avec Niamey. Et la Russie s’est à nouveau prononcée vendredi contre toute intervention armée au Niger, qui « pourrait conduire à une confrontation prolongée dans ce pays africain ainsi qu’à une forte déstabilisation de la situation dans l’ensemble de la région du Sahara et du Sahel ».

Le Mali annule l’autorisation de vols d’Air France

En dernier lieu, il faut signaler que les autorités maliennes ont décidé d’annuler l’autorisation d’Air France d’exercer entre Paris et Bamako après la suspension par la compagnie de ses vols en provenance et vers ce pays, a indiqué l’aviation civile française vendredi, selon l’AFP. Air France a suspendu le 7 août ses vols à destination du Mali (7 vols par semaines) et du Burkina Faso (5 vols par semaines) après la fermeture de l’espace aérien du Niger voisin.

Cette suspension devait durer jusqu’à ce vendredi. Mais Air France a indiqué vendredi l’avoir prolongée jusqu’au 18 août inclus « à la suite du coup d’Etat au Niger et en raison de la situation géopolitique dans la région du Sahel ». Les autorités du Mali ont considéré cette suspension comme un « manquement notoire » aux termes de son autorisation d’exploitation.

Avec AFP

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