Après l’avocat de Algérie Telecom qui a évoqué des dommages définis par une expertise, c’est au tour du représentant du trésor public, de déclarer « comment allez-vous vivre dans ce village où il y a eu un le crime le plus horrible. Comment allez-vous faire avec vos enfants ». L’avocat évoque des « atteintes aux institutions de l’Etat » en rappelant que les policiers qui étaient présents sont toujours en poste dans la ville.
« La peur ne peut justifier un crime aussi abjecte. Il y a eu 14 policiers agressés », dit-il. L’avocat rappelle : « Djamel est sorti de chez lui pour aider la population. Les deux passagers de la Clio ont été sauvés par miracle. La vérité est amère, on ne peut la cacher». Pour lui, « les preuves de leur culpabilité sont sur les vidéo et ils viennent ici nier ».
« Ils auraient dû dire la vérité pour soulager leur conscience. Les deux passagers de la Clio sont venus pour aider la population. Quelqu’un a arrêté leur voiture. La suite vous a été racontée par le chauffeur. Il est venu jusqu’ici pour raconter son histoire. Mieux encore. Il a même identifié à l’audience celui qui l’a arrêté. Il a passé 15 jours chez la police judiciaire. Mais malgré cela, il est ici. Les agresseurs parlaient de véhicules sans immatriculation, or la Clio avait sa plaque et quelqu’un l’a enlevée. Ces jeunes ont échappé à la mort. Toute la foule courrait derrière le policier qui avait mon client Bouzrara Fouad, propriétaire de la Clio », lance-t-il.
« les kabyles sont des hommes d’honneur, ils ne font pas ça »
Et d’ajouter : « Aujourd’hui, ils viennent nous dire que ce ne sont pas eux. Regardez les photos, ils y sont tous. Lorsque la Clio s’est arrêtée, le message était déjà donné pour l’immobiliser. Les trois passagers étaient affolés. Ils ont pris la fuite. Deux ont rejoint le célibatorium où les policiers ont dû leur donner des tenus de combat pour ne pas être reconnus. Djamel a été récupéré par les policiers en route. Il pensait être en sécurité dans le fourgon, mais la foule l’a rattrapé. Le véhicule ne pouvait plus arriver au commissariat ».
L’avocat s’interroge : « que pouvons-nous dire? Comment vous vous êtes comporté comme des Pharaons ce jour-là, ayez ce même courage aujourd’hui pour dire la vérité ».
L’avocat reprend les propos du défunt à ses bourreaux : « Il leur a dit, les kabyles sont des hommes d’honneur, ils ne font pas ça. Djamel n’est pas mort dans le fourgon. Les vidéos montrent ce que chacun a fait. Mais lors de ce procès, l’un des accusés s’est défendu en déclarant qu’il était ivre est-ce normal ? L’alcool est une circonstance aggravante. Tout est prouvé. L’Etat doit frapper fort. L’acte aurait pu avoir de graves conséquences. Ces gens n’avaient ni essence ni kérosène. Ils sont venus éteindre le feu qui brûlaient vos maisons ».
Abondant dans le même sens, le collectif des avocats de la famille du défunt ne sont pas allé par le dos de la cuillère. Me Menaceur commence par présenter les faits « que même les yeux refusent de voir et de croire » et ajoute : « le peuple algérien a été témoin de cet assassinat. Il vous racontera ce qui se st passé ».
L’avocat explique que « Djamel a répondu à l’appel de la population qui faisait face aux incendies. Il a répondu à l’appel poignant lancé par un militaire en tenue pris entre les flammes qui dévoraient les maisons. Djamel a répondu en venant sans le sou. Vous l’avez entendu sur la sa dernière vidéo. ».
« Il est venu éteindre le feu qui embrase vos maisons et vous l’avez brulé »
Selon lui, dès son arrivée, le défunt accorde une interview à la web Tv Awras, puis dans dans une autre vidéo on le voit interpeller par quelqu’un qui lui dit de ne pas filmer. « La discussion tourne aux propos haineux à son encontre. La personne s’est substituée à la police et à la justice.
Vous l’avez vu en train de leur dire « khatini » et eux continuaient à le violenter. Pourquoi lui avez-vous enlevé les clés ? Pourquoi les insultes et les obscénités ? Même l’eau qu’il vous a demandée a été refusée. Vous lui avez donné une eau polluée ou peut-être même de l’essence. Les gens le frappaient et lui, criait ‘’khatini vous allez regretter’’.
Ils ont continué à le frapper et ils l’ont descendu du fourgon pour le traîner par terre sous les cris de ‘’brûlez-le’’. Ils l’ont mené vers la place Abane Ramdane, celui défendait une Algérie unie et indivisible. Djamel a refusé de se rendre. Il a fait comme Ali la pointe. Vous avez tué Djamel deux fois. Vous l’avez brulé et une fois le feu s’est consumé, vous l’avez rallumé une seconde fois», rappelle encore l’avocat en s’adressant aux accusés.
Me Menaceur s’est demandé par ailleurs, « comment peut-on se prendre en photos avec des corps en feu ». Puis il lâche « Il est venu éteindre le feu et vous l’avez brûlé avec quoi de l’essence et des bouteilles en plastique. Et que dire des propos haineux et les appels aux pires sévices et à la décapitation. Avez-vous perdu votre humanisme ? N’y a t-il pas quelqu’un parmi vous qui est sensé ».
L’avocat fustige ceux qui parlaient de Photoshop en disant : « et ceux qu’on a vu sauter sur son corps étaient-ils eux aussi de faux personnages ? ». Pour l’avocat, « Djamel, est un martyr de la nation ».
« Ne l’oubliez-pas, écoutez-le ». L’avocat regarde les accusés et poursuit : « ils viennent parler de dépression après ce qu’ils ont fait. Savez-vous comment sa mère et son père ont-ils su la mort de leur enfant ? Il faut saluer son père Noureddine Bensmain qui a pu étreindre un plus grand incendie. Les kabyles sont nos frères et ceux qui sont là n’en font pas partie. Saluons les hommes de la Kabylie qui ont assisté à l’enterrement de Djamel. C’est un procès qui entre dans l’histoire. Les vidéos sont comme celles des techniques du VAR mais sans Gassama. La théorie du complot ne tient pas ».
Me Mennaceur estime, d’autre part, que Djamel n’était pas mort dans le fourgon ni au moment où il a été trainé jusqu’à la place Abane Ramdane. « Il était vivant lorsque ils l’ont descendu du fourgon. Pourquoi l’avoir brûlé deux fois ? Vous vouliez brûler l’Algérie, mais non elle ne le sera pas. Vous avez déstabilisé 40 millions d’Algériens. Vous nous avez brûlé le cœur ».
Lui emboîtant le pas Me Benturkia, affirme que l’assassinat de Djamel «fait partie d’un plan vicieux et diabolique. Saadaoui Hacene, moul al barnous (l’homme qui porte le burnous) n’a pas été évoqué pour rien. C’est un plan sioniste qui consiste à diviser le pays. Il aurait pu nous mener vers l’inconnu si ce n’est la conscience des parents de Bensmain ».
L’avocat revient sur certains incidents avec ses confrères durant le procès en disant : « On a entendu certains de nos confrères dire que les avocats de la partie civile font le travail du parquet et que les photos qui sont présentées, sont le fruit d’un montage etc… Je leur dis, non, ce sont de vraies photos, des captures d’écran sur des vidéos pour que chacun des accusés assume son acte. Nous avons travaillé sur leurs propres vidéos et une seule que le défunt avait enregistrée avant son assassinat. Grâce à Dieu, nous avons pu avoir tous ces enregistrements ».
« Ils ont tous bien appris la lettre M macheftch et masmaatch »
Me Benturkia se demande pourquoi 80% des accusés déclarent ne pas connaître leurs coaccusés et les 20% restants, l’ont reconnu après que le parquet ai relevé le lien. Pour elle «la majorité » des mis en cause « ont bien appris la lettre M c’est à dire machefnach, masmaatch (je n’ai pas vu, la plupart de ceux qui ont été identifiés sur les vidéos affirment être venus pour aider Djamel. Bouzrar Ali se cache derrière, son petit verre de pastis, Ouardi justifie la décapitation de Djamel, par son état d’ivresse, alors qu’un autre accusé renvoie la balle sur les 10 bières qu’il avait prises avant de commettre ses actes. Heureusement que vous vous êtes filmés sinon, on aurait accusé l’Etat de cet horrible acte».
L’avocat rappelle les déclarations d’Akrour Bousaad: « lorsque la foule entourait le fourgon, Akrour affirme avoir entendu Djamel dire je n’ai rien fait? Patientez un peu. Pourquoi Aghiles tente de nous convaincre qu’il a frappé Djamel avec les doigts ? Reconnu par le conducteur de la Clio, Mostefai Chaabane déclare qu’il n’a fait qu’enlever à Djamel, sa carte d’identité. Pourtant on le voit sur les vidéos monter dans le fourgon de la police, fouille Djamel, lui enlève son téléphone, sa carte d’identité, et ses clés. L’homme au pull inscrit aux lettres ART apparaît sur les vidéos, entrain de tirer Djamel avec une violence inouïe et le trainer jusqu’à la place Abane Ramdane. Les vidéos le montrent juste derrière Djamel, lors de l’interview avec la webTV Awras et il vient nous dire qu’il était venu aider le défunt ».
L’avocat revient sur ce qu’il a appelé « un plan diabolique », en rappelant les propos de certains accusés sur « un mot d’ordre qu’aurait donné les activistes du MAK à certains de leurs militants ».
« Rappelez-vous les déclarations devant le juge d’instruction de Laskri Mohamed, chargé des questions de sécurité au MAK, devenu militant de base. Il avait confirmé ce que d’autres ont révélé à propos de ce qui se traçait autour de ce 11 aout 2021. Puis un autre accusé, sorti de l’université des sciences islamiques l’enseignant de la charia, fait un selfie avec le corps calciné de Djamel avec un titre : celui qui brûle sera brûlé. Vu avec le consul de la Grande Bretagne, l’accusé avait expliqué à l’époque que c’était dans le cadre du dialogue interreligieux. Ils sont venus dans le cadre d’un plan. Je ne dirais pas tous ceux poursuivis pour des délits. Mais ceux poursuivis pour des crimes, toutes les preuves de leurs culpabilité sont sur les vidéos ».
Les propos de Me Benturkia raisonnent fort dans la salle. Il termine avec une phrase lourde de sens : « Djamel Bensmain est un algérien qui aimait son pays. Il est parti en stop pour aider ses compatriotes à Larbaa Nath Irathen. Il disait l’Algérie je t’aime malgré tout ».
Le rapport d’autopsie battu en brèche
Lui succédant au prétoire, Me Ahlem Bendaoued a plaidé de manière aussi directe. Elle commence par dire que les photos et les vidéos ont causé à la famille de Djamel un grave préjudice morale et précise que : « ses parents ont déjà perdu le frère jumeau du défunt, assassiné. Mais, la différence entre les deux crimes est que l’auteur du 1er est toujours libre et celui du second a laissé des traces derrière lui. La famille Bensmain vit avec ces monstrueuses vidéos ».
L’avocate revient sur la publication des vidéos sur les réseaux sociaux en affirmant qu’au début les auteurs multiplié la diffusion : « mais quand ils ont vu que le peuple algérien n’a pas joué à leur jeu et a participé à l’éclatement de la vérité, ils ont changé de tactique ».
Elle aussi relève que « malgré toutes les preuves présentées, les accusés se débinent » puis tente de mettre chacun devant ses responsabilités. Elle classe les mis en cause en 4 groupes depuis ceux qui étaient « peut être de passage et qui ont juste chanté des slogans haineux jusqu’à ceux qui ont pris part à l’assassinat de Djamel, en passant par ceux qui sont assis sur les murs et les terrasses se délectaient de ce qui se passait dans la cour du commissariat transformée en arènes».
Mais elle ajoute un 5eme groupe de personnes « présentes sur la scène du crime mais absentes du procès parce que les curieux ne les ont pas filmé ». Pour l’avocate, l’assassinat de Djamel a connu trois étapes celle des « témoins, de l’exécution et de la validation ».
La première étape, explique-t-elle, est celle où la Clio campus est arrêtée par la foule, mais dès que l’on se déplace au commissariat on bascule dans la seconde étape où on attaque la voiture, on agresse Djamel, on le traîne et on le brûle, on fait déjà partie des auteurs du crime.
« C’est une responsabilité criminelle. Même vous n’avez rien fait, votre présence suffit à rendre votre responsabilité dans la mort. Les vrais curieux étaient sur les murs et les terrasses filmaient et regardaient ce qui se passait dans l’arène. Ceux qui arrivent à ce niveau jouent le rôle que leur donne l’organisation « terroriste » du MAK pour neutraliser les policiers et les empêcher d’intervenir. Ils utilisent des propos haineux, crient pouvoir assassin, pas de pardon, il va être brûlé. La sanction était prête. Ils sont coupables. La 3ème étape c’est celle où tous ces jeunes qui sont au box et qui nous disent j’ai donné juste un coup de pied. Mais tous au vu de la loi, ils ont participé à la mise mort ».
Me Bendaoued s’interroge sur le fait que certains accusés affirment que « Djamel était déjà mort avant d’être immolée ». « Pourquoi ? Parce qu’ils ont décidé de l’exécuter », ajoute-t-elle. L’avocate commence par déconstruire le contenu de l’autopsie faite à l’hôpital Mustapha Pacha à Alger, avant d’ouvrir une brèche notamment sur les causes de la mort.
« Le rapport de l’autopsie dit qu’il est mort d’épuisement physique et d’un traumatisme de la tête. Lorsque le rapport ne donne pas l’heure je ne le prends pas en compte. Ce rapport dit que la voûte crânienne ne présente pas de fracture », dit-elle. Elle exhibe des photos et explique «dans la trachée, on voit encore des taches de fumée qu’il respirée. Lorsqu’il a été égorgé, le sang n’a pas coulé et l’on sait, selon des revues spécialisées, que le sans devient rose et quand la personne meurt par immolation, son sang devient pâteux ».
« Le sang de Djamel avait une couleur bien rose. On peut dire qu’il a respiré la fumée des incendies. Les experts disent aussi que si les poils nasaux ou la langue sont brûlés, il aurait été vivant. Les photos montrent des poils nasaux brulés, ce qui veut dire que Djamel est mort par immolations », précise-t-elle. « Nous sommes devant un groupe de terroriste qui a pour ennemi l’Etat et le peuple », assène-t-elle.
« Ces gens ne représentent pas la Kabylie »
Plaidant toujours pour la famille du défunt, Me Fakhreddine, déclare d’emblée n’avoir jamais défendu un homme « poursuivi injustement, jugé sans défense et condamné à être battu mutilé, brûlé et égorgé puis décapité sur une place publique qui porte le nom de Abane Ramdane, fils de Larbaa Nath Irathen assassiné, une figure de la révolution, lui aussi ».
« Djamel a été tué et brûlé par quelques personnes qui militent pour arracher une partie de l’Algérie, celle-là même pour laquelle Abane Ramdane s’est battue pour qu’elle reste algérienne et je me demande ce que Abane Ramdane doit penser de cet acte. Lorsque l’on cherche le nom de Larbaa Nath Irathen sur wikipidia, autant nous sommes incroyablement fiers de ce qu’on lit autant nous sommes désolés de voir ce crime abjecte évoqué à la fin », ajoute-t-il.
Me Fakhreddine, revient sur les vidéos et leur large diffusion par le peuple algérien, avec des enquêtes sur chacun des acteurs de l’horrible assassinat de Djamel. L’avocat : « sa mère lui disait ne part pas et lui répondait non, je dois aider mes amis et mes frères. Abane Ramdane doit être honoré par le sacrifice de Djamel. Ces gens ne représentent pas la Kabylie. Les notables de Larbaa Nath Irathen et non pas les familles des accusés, se sont mobilisés, assisté à l’enterrement du défunt et présenté les condoléances à sa famille. Les tueurs n’auront jamais la conscience tranquille. Mais que dirions-nous de ceux qui tuent, torturent, mutilent, brulent le cadavre, le décapitent ? Des parties du corps de Djamel étaient introuvables.
Ces gens constituent un danger pour les algériens pour l’Algérie et son unité. L’Algérie restera unie avec un seul drapeau ». L’avocat termine en demandant la peine maximale contre les accusés.