Examinée par la cour d’appel criminelle près la cour d’Alger, l’affaire Sonatrach 1 s’est terminée en fin de journée, après des auditions marathoniennes de 19 accusés, un réquisitoire de plus deux heures et deux longues journées de plaidoirie de la défense. Mise en délibéré, en début de la matinée d’hier 13 décembre, le verdict est tombé.
Quatre accusés seulement ont été condamnés. Il s’agit de l’ancien PDG de Sonatrach, Mohamed Meziane (qui a comparu en liberté), condamné à 5 ans de prison ferme, assortie d’une amende de deux millions de dinars, mais aussi de ses deux enfants, Réda et Fawzi, qui ont écopé d’une peine de 4 ans de prison ferme, assortie d’une amende d’un million de dinars.
La même condamnation a été infligée à Mohamed Reda Djaafar Al Smai, le propriétaire du groupe Contel, alors que les autres accusés, ont bénéficié de la relaxe. Il s’agit de l’ancien vice-président chargé de l’activité Amont, Boumedienne Belkacem, Mouloud Ait Al Hocine ( absent tout au long de l’audience), l’ancien directeur de production de l’activité Amont, Mustapha Hassani, le vice-président chargé de la commercialisation, Chawki Rahal, le vice-président chargé de transport par canalisation Benamor Zenasni, le directeur des forages, Mustapha Cheikh, ainsi que d’autres cadres dirigeants de Sonatrach, en l’occurrence Mohamed Senhadji, Abdelwahab Abdelaziz, mais aussi Nouria Meliani, directrice du bureau d’étude privée CAD, l’ancien patron du CPA, Meghaoui Hachemi et son fils Hachemi.
Les quatre sociétés poursuivies en tant que personnes morales, l’italienne Saipem Contracting, le groupement algéro-allemand Contel-Funkwerk, le groupement algérien, Contel Algérie, et la société allemande Funkwerk-Plettac, ont été quant à elle condamnées au paiement d’une amende de quatre millions de dinars. La chambre criminelle a également décidé que les biens saisis des accusés condamnés soient confisqués et de ceux ayant bénéficié de l’acquittement, restitués.
L’affaire qui a fait débarquer Chakib Khellil de son poste de ministre de l’Energie
Cette affaire faut-il le rappeler avait fait couler beaucoup d’encre depuis son éclatement entre 2009 et 2010, et avait fait débarquer Chakib Khellil, de son poste de ministre de l’Energie, en 2010. Son nom a d’ailleurs été cité lors du premier procès ouvert en début du mois de février 2015. En plus du PDG, Mohamed Meziane et de ses deux enfants, huit membres de l’exécutif de Sonatrach et quatre sociétés dont trois étrangères, parmi lesquels, Saipem contracting Algérie, appartenant à la filiale du géant italien Eni, étaient poursuivis.
Douze, ont été condamnés à des peines allant de 18 mois avec sursis à 6 ans de prison ferme, après avoir été reconnus coupables des faits de : «association de malfaiteurs, passation de marchés en violation de la législation et des règlements des marchés publics, octroi d’avantages injustifiés au profit d’autrui, augmentation des prix lors de la passation des marchés, dilapidation de deniers publics, corruption, abus de fonction, blanchiment d’argent et violation de la réglementation de change ». Sept autres accusés ont cependant obtenu l’acquittement.
Décisions contre laquelle, aussi bien le représentant du ministère public que les accusés, se sont pourvus en cassation devant la Cour suprême, laquelle a cassé le verdict et renvoyé toutes les parties devant la chambre criminelle près la cour d’Alger, pour un deuxième procès. Programmé une première fois, il a été renvoyé en raison de l’absence des représentants de trois sociétés étrangères, bloquées à l’étranger en raison de la crise sanitaire, puis une seconde fois, au mois de juin 2021, l’affaire a fini par être examinée jeudi 8 décembre dernier. Tous les accusés ont comparu en liberté après avoir purgé leurs peines.
Une affaire d’octroi de marchés de gré à gré d’une valeur de 11 milliards de dinars
Les faits remontent aux années 2004-2010 et concernent l’octroi de marchés de gré à gré d’une valeur de 11 milliards de dinars, dans des conditions « douteuses », voire « frauduleuses », ayant abouti à des poursuites. Au centre de l’affaire, Réda Djaâfar Al Smail, patron du groupe Contel-Algérie Funkwerk Plettac, considéré par l’enquête judiciaire comme principal accusé, dont les sociétés qu’il détient ont obtenu des « privilèges injustifiés », alors que les offres présentées étaient supérieures à celles des autres soumissionnaires.
Il est donc reproché à l’ancien PDG de Sonatrach d’avoir «facilité» l’octroi des marchés de télésurveillance à Funkwerk, en contrepartie de la cession par celle-ci, d’une partie de ses actions à ses deux enfants, mais aussi d’avoir accordé un important contrat, de 586 millions de dollars, à Saipem Algérie, filiale du groupe pétrolier italien, Eni, pour la réalisation du gazoduc reliant l’Algérie à l’Italie, au moment où l’un des deux fils du PDG de Sonatrach, travaillait comme conseiller de l’ex-directeur de la filiale italienne en Algérie.
De ce fait, Mohamed Meziane a été condamné à 5 ans de prison sans privation de liberté et une amende de 2 millions de dinars pour avoir « facilité » l’octroi des marchés d’installation de systèmes de télésurveillance à la société allemande Funkwerk et d’avoir privilégié Saipem, pour l’obtention d’un contrat (dont elle a sous-traité la réalisation avec une société française Piecapag, concurrente lors de la soumission) au moment où un de ses deux enfants était conseiller du directeur de cette société italienne à Alger. Réda et Bachir-Fawzi, Meziane, ont été quant à eux, condamnés respectivement à 6 et à 5 ans de prison ferme.
5 et 6 millions de dinars d’amende contre Saipem, Funkwerk-Contel et Contel
Le tribunal criminel d’Alger avait également prononcé des sanctions pécuniaires de 5 millions de dinars contre Funkwerk, de 6 millions de dinars contre la Sarl Contel Algérie et le groupe algéro-allemand Contel-Funkwerk (dont le patron Mohamed Réda Djaâfar Al Smail a écopé de 6 ans de prison ferme).
Durant plus d’un mois, les auditions ont fait les Unes des médias algériens, et le nom de Chakib Khellil, ainsi que celui de son homme de confiance, Réda Hamech, directeur de cabinet du PDG de Sonatrach, Mohamed Meziane, ont été cités. Si Chakib Khellil a vu le mandat d’arrêt international retiré dés 2015, sur intervention de Said Bouteflika, frère conseiller du défunt président déchu, et de l’ancien ministre de la Justice, Tayeb Louh, il n’en est pas le cas pour Reda Hameche.
Ce dernier fait toujours l’objet d’une notice rouge, diffusée par Interpol, alors que Chakib Khellil, est rattrapé dés 2019, par toutes les affaires de corruption dans lesquelles il a été cité. Parmi celles-ci, les marchés de gré à gré octroyés à BRC, les contrats de réalisation du Complexe gazier de Rhourde Ennous, au sud du pays et de la Centrale électrique de Hadret Ennous à Tipaza, affectés au géant canadien de l’engineering et la construction, Snc-Lavalin.
Des dossiers qui devront être examinés la semaine prochaine par le pôle financier prés le tribunal de Sidi M’hamed, et en vertu desquelles, des mandats d’arrêt internationaux contre l’ancien ministre de l’Energie, ont été diffusés.