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Récit du procès de Abdelmadjid Sidi Saïd : « Khatini ces affaires »

Après un lourd réquisitoire et de longues plaidoiries, l’affaire de l’ancien secrétaire général de l’UGTA, Abdelmadjid Sidi Saïd, a été mise en délibéré sous huitaine, durant la soirée d’hier, par le pole financier, de Sidi M’hamed, et le verdict sera donc connu le 14 novembre prochain. Récit d'un procès juste hallucinant !
© DR | Abdelmadjid Sidi Said, ex-patron de l'UGTA

Très affaibli, avec une voix inaudible, l’ancien patron de la centrale syndicale, Abdelmadjid Sidi Saïd, a été auditionné par le pôle financier de Sidi M’Hamed à Alger, sur plusieurs griefs, « incitation d’agents publics au trafic d’influence dans le but d’octroyer d’indus avantages » à ses trois enfants, Ramine, Hanafi et Djamil (en détention) également poursuivis dans le cadre de la même affaire, ainsi que blanchiment d’argent. »

Il commence par nier tous les faits reprochés mais le juge ne cesse de lui demander : « comment expliquez-vous l’obtention par votre fils d’un F3 et de deux locaux auprès de la mutuelle des travailleurs pétroliers, alors qu’il n’en est pas membre ? ». D’une voix presque aphone, Sidi Saïd tente de répondre : « mon fils a obtenu ce logement sur initiative personnelle du responsable de la mutuelle, qui lui a proposé d’acheter le bien du fait qu’il n’avait pas de logement durant cette période. Par la suite, il a loué un local commercial. Je n’étais pas au courant de toute cette procédure. Khatini (NDLR : je ne suis pas concerné), ces affaires. C’est la direction de l’UGTA qui a pris l’initiative de céder à mon fils un appartement sans qu’elle ne me mette au courant. Je n’aurais jamais pris une telle initiative ».

Le juge : « voulez-vous dire que c’est une initiative personnelle ? ». Sidi Saïd : « la direction a pris une initiative personnelle sans que je le sache. Je l’ai remercié, pas plus ». Le juge tente de clarifier les griefs. « Nous pouvons dire que c’est plus du trafic d’influence que de la corruption directe. Mais pourquoi n’avoir pas refusé et même sanctionné une telle décision puisque votre fils n’ouvrait pas droit à un tel logement ? ». Sidi Saïd : « ils ont agi sans m’en informer ».

Le juge : « votre fils n’est pas membre de la mutuelle. Comment peut-il avoir droit à l’acquisition de ce bien ?». Sidi Saïd : « c’est vrai, mais il a payé son appartement ». Le président : « C’est la mutuelle des travailleurs pétroliers et non pas de n’importe quel citoyen ». Sidi Saïd persiste à déclarer qu’il n’était pas au courant mais le juge réplique : « pourquoi n’avoir pas dit à la direction de ne pas vendre ce logement à votre fils ? ». Le prévenu garde le silence.

Le magistrat revient aux 13 logements de fonction situés aux Bananiers, acquis par l’UGTA, auprès de l’OPGI de Hussein Dey. « Quelle explication avez-vous à donner sur le fait que votre fils Djamil se retrouve parmi les bénéficiaires des logements achetés auprès de l’OPGI de Hussein Dey, et destinés aux membres de la direction de l’UGTA ? ». Sidi Saïd : « il s’agit de logements de fonction achetés au nom de l’UGTA en 2001 et régularisés en 2012, au profit des secrétaires nationaux et à leur demande. Ils ont fait les démarches et versé les sommes dues ».

Le juge : « comment votre fils a-t-il bénéficié de ce bien alors qu’il n’ouvre pas droit ? ». Le prévenu : « c’est la direction de l’UGTA qui a demandé de mettre le nom de mon fils à la place du mien, en tant que Secrétaire général ». Le président réplique : « c’est soit la mutuelle qui décide pour vos enfants, soit la direction de l’UGTA » et Sidi Saïd réitère sa déclaration. Le juge : « ce sont vos enfants ! ». Sidi Saïd : « ces logements étaient en vente. Une demande d’achat a été faite, et l’achat était légal ». Le juge revient sur le logement LSP obtenu par Djamil Sidi Saïd, auprès de l’OPGI de Hussein Dey, et l’ancien secrétaire général de l’UGTA explique qu’il avait procédé à des versements avant que la vente ne soit annulée en 2019 et le bien restitué.

« Mes enfants n’ont bénéficié ni de terrains ni de concessions publics »

Sur sa relation avec les sociétés de ses trois enfants, Sidi Saïd nie tout lien. Le juge l’interroge sur le contrat signé entre La société de Ramine Sidi Saïd, en fuite à l’étranger et Mobilis qui, selon lui concernait le sponsoring, ajoutant cependant : « je ne suis nullement impliqué dans cette opération. Mes enfants n’ont aucune relation avec les entreprises publiques. Bien au contraire, ils avaient la possibilité de le faire mais ils ne l’ont jamais fait. Ils n’ont pris aucun terrain ou concession de l’État. ».

Le juge : « êtes-vous intervenu pour que Mobilis donne signe des contrats avec vos deux enfants ? ». Sidi Said : « je n’ai aucune relation avec Mobilis ni avec les sociétés de mes enfants ou leurs activités. Je ne suis jamais intervenu en tant que secrétaire général ou avec mes moyens dans leurs activités ». Le procureur : « avez-vous demandé que le duplexe situé aux Bananiers, acheté par l’UGTA, auprès de l’OPGI, soit mis au nom de votre fils Djamil ? ». Sidi Said : « la proposition a été faite par la direction de l’UGTA, pas par moi. Je n’ai aucun lien avec cette acquisition ».

Visiblement très fatigué, Sidi Saïd reste sur sa chaise entouré par des gardes et un médecin et c’est son fils Djamil, (en détention) qui passe à la barre pour « incitation d’agents publics au trafic d’influence en vu d’obtenir d’indus avantages, blanchiment d’argent et dissipation de biens produits de crime ».

D’emblée, il nie les faits : « je n’ai jamais profité de la position de mon père ni de son statut ». Le juge : « avez-vous obtenu un duplex aux Grands Vents ? ». Le prévenu : « je l’ai obtenu après avoir présenté un dossier en bonne et due forme au niveau de l’OPGI de Hussein Dey ». Le juge : « comment pouvez-vous avoir droit à un tel logement destiné aux membres de la direction de l’UGTA ? ». Le prévenu : « j’ai payé le logement ». Le juge : « puisque vous avez acheté ce duplex, pourquoi avoir demandé un logement LSP (Logement social promotionnel) ? ». Le prévenu : « j’ai déposé un dossier en 2009. J’ai été retenu comme n’importe quel citoyen. En 2012, le dossier a été rejeté sous prétexte que je n’ouvrais pas droit ».

Djamil Sidi Saïd, nie toute relation avec l’opérateur public Mobilis et précise : « mon contrat concerne une seule production, vendue à l’ENTV, pour un montant de 8 millions de dinars… ». Le juge appelle Hanafi Sidi Said, poursuivi (en liberté), pour « blanchiment » qu’il nie, avant qu’il ne soit interrogé.

« Qu’en est-il du logement situé aux Grands Vents, que vous aviez acquis auprès de la mutuelle des travailleurs pétroliers ? », lui demande le magistrat et Hanafi répond : « je l’ai acheté en bonne et due forme et j’ai versé le prix en trois tranches entre 2008 et 2014 ».

Le juge l’interroge aussi sur les deux locaux, achetés auprès de la même mutuelle. « J’avais déposé une demande qui a été retenue. C’était en 2014. J’ai effectué les deux versements exigés. C’était après avoir parlé à deux présidents du Conseil d’administration de la Mutuelle, lesquels m’ont dit que je pouvais acheter ces biens. Mon père n’était pas au courant ».

 Le juge : « vous n’êtes pas membre de la mutuelle, comment pouvez-vous avoir droit d’acheter un logement et des locaux auprès de cette instance ? ». Le prévenu : « je ne savais pas que je n’ouvrais pas droit. Je vous ai dit qu’en 2014 j’avais rencontré Hazbellaoui, le directeur de la mutuelle et je lui en ai parlé. Il ne m’a pas dit que je n’ouvrais pas droit. J’ai formalisé ma demande d’achat. J’en ai acheté deux, mais j’ai restitué un après ».

« C’est le fils du boss »

Le juge appelle Mokhtar Hazbellaloui, poursuivi pour « octroi d’indus avantages, abus de fonction et dilapidation de deniers publics ». Il rejette en bloc, les faits reprochés, mais le juge l’accable de nombreuses questions. Il reconnait avoir signé la décision relative au logement et à un seul local, avant de renvoyer la balle vers son successeur. Mieux encore. Il affirme avoir « subi des pressions énormes avant qu’il ne soit relevé de son poste, une année après avoir refusé de signer la décision du deuxième local ».

Le juge : « est-ce que Sidi Saïd vous a directement contacté pour parler de son fils ? ». Le prévenu : « non, ce n’était pas lui qui m’avait appelé. C’était son secrétaire ». Le magistrat tente d’en savoir plus, mais le prévenu déclare « ne pas se rappeler de ce secrétaire ».

Le juge insiste : « qui faisait pression sur vous » et Hezbellaoui répond : « je ne sais pas. J’ai été limogé après une carrière de 25 ans à la tête de la mutuelle ». Le juge : « 25 ans c’est beaucoup » lance le juge avant de poursuivre son interrogatoire : « cette pression n’est qu’une supputation de votre part alors ? La mutuelle est financée par l’argent des travailleurs pétroliers, comment le fils de Sidi Said, a-t-il pu obtenir la décision d’achat ? ».

Le prévenu : « c’est le fils du boss. Moi je n’ai signé qu’une seule décision sur les deux relatives aux locaux ». Appelé à la barre, son successeur à la tête de la mutuelle, Hocine Chenoune, poursuivi pour « abus de fonction, dilapidation de deniers publics et octroi d’indus avantages », renvoie la balle vers son prédécesseur, en affirmant : « j’ai été nommé en 2018 et les décisions ont été signées en 2014. Lorsque je suis venu, j’ai remarqué que le projet d’achat n’était pas achevé. Ils avaient été réalisés entre 2014 et 2015, il fallait terminer le paiement ou les reprendre pour les mettre en vente. Je l’ai convoqué pour lui demander solder l’achat des deux locaux ».

Puis c’est au tour du gérant de la société de Ramine Sidi Saïd, Asahnoune Mohamed Ghiles, d’être auditionné, sur les faits qui lui sont reprochés. Il commence par préciser qu’il n’est qu’un salarié, chargé de la gestion de la Sarl All-In qui avait signé avec Mobilis, deux contrats, l’un de sponsoring, pour un montant de 5 millions de dinars, et l’autre pour deux programmes de télévision, DZ foot et Passeport Algérie, d’un montant de 35 millions de dinars.

« Le premier consistait à mettre en place des écrans géants au stade du 5 juillet, pour accompagner les évènements de la coupe du monde au Brésil. Il a été réalisé intégralement. Il en est de même pour les deux programmes de télévision, qui devaient être diffusés sur la chaine publique, qui avait d’ailleurs signé des contrats d’engagement, mais cela n’a pas été fait. La télévision l’avait laissé pour l’année d’après, et il y a eu le Hirak ( mouvement de contestation contre le 5e mandat de Abdelaziz Bouteflika qui a par la suite étendu ses revendications Ndlr). Le produit n’a pas été diffusé et nous ne savons toujours pas pourquoi ».

« La télévision a signé un engagement de diffusion mais elle n’a pas diffusé le produit »

L’ancien PDG de Mobilis, Ahmed Choudar, nie les faits « d’octroi d’indus avantages et de dilapidation de deniers publics », en déclarant que les contrats ont été signés après son départ. « Au mois de février 2018, on m’a ramené le contrat, qui était d’un montant de 55 millions de dinars. J’ai refusé de donner mon accord en exigeant un rabais. La somme a été revue pour atteindre 35 millions de dinars et obtenu une obligation de diffusion de la télévision ». Le juge : « la société a pris l’argent sans que les programmes ne soient diffusés ? ». Le prévenu : « j’étais déjà parti ».

Trois autres cadres de Mobilis, Sid Ahmed Zaidi, Khaled Hamdi et Kassi, poursuivis pour « dilapidation de deniers publics », sont interrogés sur ces deux contrats mais n’arrivent pas à expliquer pourquoi les deux programmes n’ont pas été diffusés par la télévision et encore moins à expliquer dans quelles circonstances, ces contrats ont été signés.

A la fin des auditions, le procureur se lance d’un sévère réquisitoire, présentant Abdelmadjid Sidi Saïd, ses trois enfants et les cadres de Mobilis, comme faisant partie d’une entreprise « criminelle, à sa tête l’ancien patron de la centrale syndicale », qui selon lui « a usé de sa position » pour que ses enfants Ramine, Djamil et Hanafi, « puissent bénéficier d’indus avantages et blanchir leur argent ».

De ce fait, il demande une peine de 15 ans de prison ferme et 8 millions de dinars contre Abdelmadjid Sidi Saïd, une autre de 10 ans fermes et 8 millions de dinars, contre Djamil Sidi Saïd, et 18 ans de prison ferme assortie de 8 millions de dinars et un mandat d’arrêt international, contre Ramine Sidi Saïd, qui se trouve en fuite, (en France), ainsi qu’une amende de 32 millions de dinars, contre les trois sociétés Ramine et Hanafi, avec confiscation de leurs biens mobiliers et immobiliers.

Le procureur a requis aussi une condamnation de 5 ans de prison et 500 000 DA contre les ancien PDG de Mobilis, Ahmed Choudar et Hamdi Khaled, et une autre de 3 ans ferme contre les deux autres cadres de l’opérateur public de téléphonie.

Le parquet a par ailleurs réclamé la peine de 6 ans de prison ferme et 500 000 DA contre l’ancien Dg de l’OPGI de Hussein Dey, Rehaimia, et les deux anciens DG de la Mutuelle des travailleurs pétroliers, Mokhtar Hezbellaoui et Hocine Chenou. Le verdict sera connu le 14 novembre prochain.

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