Un cas sans précédent dans l’histoire récente du pays. La Russie a annoncé l’arrestation pour « espionnage » d’Evan Gershkovich, un journaliste américain du Wall Street Journal, sur fond de répression depuis le début de la guerre en Ukraine. Selon les services secrets russes, cités par les agences russes, il est soupçonné d’avoir collecté des informations « sur une entreprise du complexe militaro-industriel » russe « au profit des Etats-Unis ». Le FSB assure avoir « déjoué l’activité illégale » du journaliste. Evan Gershkovich encourt de 10 à 20 ans de prison. Le Wall Street Journal s’est dit « profondément préoccupé pour la sécurité » de son reporter, qui a rejoint le quotidien américain en 2022 après avoir travaillé au bureau moscovite de l’AFP et au journal anglophone The Moscow Times.
Pour la diplomatie russe « Ce que faisait le collaborateur de la publication américaine Wall Street Journal à Ekaterinbourg n’avait aucun rapport avec le journalisme », écrit sur Télégram, la porte parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova. Le reporter, ajoute la diplomate, n’était pas le premier occidental célèbre à être pris la main dans le sac » et que d’autres avaient « utilisé le statut de ‘correspondant étranger’ à des fins de couverture de leurs activités », sans toutefois citer des exemples précis.
Depuis le lancement de l’offensive russe contre l’Ukraine, les autorités russes ont accéléré la répression de l’opposition et des médias indépendants, généralement en usant de dispositions du code pénal réprimant le fait de « discréditer l’armée ». La presse et les journalistes russes critiques du Kremlin sont souvent la cible de poursuites pénales en Russie, mais les journalistes étrangers avaient été plutôt épargnés, Moscou préférant expulser des correspondants et durcir les règles d’accréditation. Des reporters étrangers sont aussi parfois suivis par les services de sécurité lors de leurs reportages.
Selon une analyste russe indépendante citée par l’AFP, le FSB a pu prendre le journaliste « en otage » en vue d’un éventuel échange de prisonniers. Des échanges russo-américains ont en effet eu lieu à quelques reprises ces dernières années, comme cela a été le cas pour la basketteuse Brittney Griner. Plusieurs ressortissants américains sont encore détenus en Russie, dont Paul Whelan. Ce dernier, arrêté en 2018, purge une peine de 16 ans de prison pour « espionnage », dans une affaire que l’intéressé et Washington jugent montée de toutes pièces.