Dans une interview accordée, aujourd’hui à notre confrère TSA, Annika Silva-Leander et Adebayo Olukoshi, deux responsables de l’IDEA, reviennent sur le dernier rapport de l’institut sur la démocratie dans le monde qui classe l’Algérie dans la catégorie des régimes hybrides.
C’est-à-dire, un régime qui dispose d’une façade démocratique seulement. « Un régime hybride est un régime qui n’est pas considéré comme totalement démocratique, et le principal critère que nous utilisons est de savoir si le pays organise des élections un minimum compétitives. Dans notre classement, nous ne considérons pas des pays tels que l’Algérie comme des démocraties, mais nous avons cette catégorie intermédiaire car souvent de tels régimes adoptent certains mécanismes qui semblent être démocratiques en surface mais où une compétition réelle et authentique n’est pas permise », expliquent-ils.
Selon Adebayo Olukoshi, « dans la majorité des pays africains, y compris l’Algérie, quelqu’un peut présenter l’argument que le pays dispose de toutes les caractéristiques d’une démocratie, y compris des élections organisées de manière périodique ». « Mais dès qu’on commence à décortiquer le processus, on réalise qu’il y a également un éventail complexe d’éléments largement anticoncurrentiels et antidémocratiques qui sont intégrés dans le système. Donc des élections peuvent être organisées de manière routinière avec un semblant de compétitivité, mais l’accès par l’opposition à tout ce qui peut lui permettre de faire face à une concurrence loyale contre le parti au pouvoir se trouve totalement absent », précise-t-il.
Ce dernier rappelle les pratiques du régime, notamment sous le règne du président déchu, Abdelaziz Bouteflika, où l’activité politique est monopolisée par le parti au pouvoir, en l’occurrence le FLN.
« cela n’est pas suffisant pour mettre en place un système démocratique »
Il cite, dans ce sens, le monopole des médias officiels. « Dans le contexte de l’Algérie, on observe que certaines de ces caractéristiques sont présentes depuis une très longue période avec le monopole dont le FLN a bénéficié et que l’unique compétition dans la politique algérienne avant les récentes manifestations de masse était une opposition entre les factions du pouvoir et non entre le pouvoir et l’opposition », ajoute-t-il.
Rappelant les quelques brèches ouvertes à « certaines voix d’opposition » pour gagner des sièges lors des élections locales et législatives, mais, expliquent les responsables de l’IDEA, « cela n’est pas suffisant pour mettre en place un système démocratique. « Ces régimes ne sont pas allés jusqu’au bout en termes de réforme du système pour le rendre ouvert et compétitif dans le sens où l’on définit une démocratie, y compris l’égalité dans l’exercice du pouvoir par les citoyens de choisir et changer les dirigeants », ajoute-t-on.
Concernant l’emprise de l’armée sur le champ politique, Adebayo Olukoshi précise que cela n’existe pas dans « la plupart des démocraties que nous connaissons à travers le monde » où « le contrôle effectif du civil sur le militaire est un attribut clé ». « Cela n’a pas été le cas en Algérie pour des raisons historiques comme dans plusieurs autres pays ayant connu des mouvements de libération sur le continent africain, où les leaders du mouvement de libération se sont transformés en un véritable bloc de pouvoir, exerçant parfois le veto en coulisses ou parfois s’affichant ouvertement pour exercer le pouvoir ou le contrôle sur le civil », souligne-t-il.