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Soufiane Djilali : « Nous sommes dans une période de transition » qui a « pris une forme d’avatar du régime de Bouteflika »

Le président de Jil Jadid, Soufiane Djilali, revient dans cet entretien sur la situation politique en Algérie qui, selon lui, est de plus en plus alarmante, d’où la nécessité d’engager un dialogue inclusif pour sortir le pays de cette phase très »délicate ». Il livre son analyse de la situation et son regard sur la suite des événements. Soufiane Djilali considère que l’attitude, les discours et les décisions de l’état-major, enveniment davantage la crise dans laquelle patauge le pays depuis le 22 février.

 

Quelle est votre réaction au dernier discours de Gaïd Salah ?

Le ton du discours est devenu inquiétant. Ce n’est pas le premier du genre. Les signaux qu’il envoie sont de plus en plus brouillés. Les menaces sont devenues habituelles. Il récuse même la « Dawla Madania », ce qui est un comble.

A vrai dire, la tournure des événements m’inquiète. Très tôt, le pouvoir a tenté de diviser le mouvement populaire en introduisant des problématiques idéologiques qui n’étaient pas à l’ordre du jour.

Je suis triste de voir qu’en face de lui, d’autres ont enfourché la rhétorique inverse. Les provocations deviennent dangereuses. Les anathèmes, les invectives et parfois les obscénités sont entrain de pourrir l’atmosphère bon enfant du début du mouvement.

Le piège est en train de se refermer sur tout le monde. L’attitude, les discours et les décisions du Chef de l’Etat-Major ont alimenté cet état d’esprit.

 

Vous avez pris part à la conférence nationale dirigée par l’ancien ministre Abdelaziz Rahabi. Quelle était votre motivation ?

Les organisateurs du Forum nous ont invité à assister à un dialogue dont les acteurs étaient des partis politiques n’ayant pas fait partie de la défunte alliance présidentielle, les syndicats autonomes ainsi qu’une multitude d’associations de la société civile. Les conclusions auxquelles étaient arrivés les participants recoupaient nos propres positions.
Ce qui nous importait dans cet événement était le principe même du dialogue. Le pays est en grave crise. Les tensions montent et les positions se radicalisent.
Soit on accepte d’aller vers un dialogue inclusif, soit on se sent fort pour renverser la table et prendre directement le pouvoir par la force. Je ne crois pas qu’il y ait un seul Algérien de sensé qui choisirait la deuxième solution. Alors pourquoi faire la fine bouche pour le dialogue ? 
Ce qui m’a attristé le plus était de voir des militants, généralement de gauche, organiser une campagne de diabolisation des participants à ce forum, en harmonie avec les « mouches électroniques ». Il y avait une convergence d’intérêt stratégique apparemment !
 

 Vous avez déclaré que votre objectif principal était de proposer votre feuille de route. Ces propositions ont-elles été acceptées ?

C’est librement que j’ai pris la parole. J’ai exposé en quelques minutes la vision de Jil Jadid. Je crois qu’elle a été bien accueillie. Pour l’essentiel, nous allions tous dans la même direction.
L’issue de la crise doit passer par le retour aux urnes. C’est au peuple de décider qui doit diriger le pays. Par contre, les acteurs politiques doivent négocier les règles du jeu et les garanties pour le respect des résultats sortis des urnes. 
Tout le monde sait que le système algérien n’a de démocratique qu’une façade et que le personnel politique était sélectionné par le pouvoir. Seuls les critères de fidélité et de loyauté aux supérieurs importaient.
La compétence, l’intelligence politique, le crédit populaire… tout cela était banni. Cela a donné le régime actuel qui est d’ailleurs en plein effondrement.
 

Quelle est votre interprétation de la situation politique du pays ? Bensalah appelle au dialogue mais l’arbitraire ne s’est jamais aussi bien porté ?

Le pays est dans une phase très délicate. Nous sommes de fait dans une période de transition sauf que celle-ci a pris une forme d’avatar du régime de Bouteflika. Nous nous acheminons vers une situation de plus en plus compliquée.
Bensalah n’est là que pour maintenir un semblant de lien avec le cadre constitutionnel en sachant que le pouvoir n’a plus de légitimité. L’arbitraire continuera à sévir tant que nous n’avions pas débouché sur une refondation de notre République. Le chemin est toutefois encore long.
Bensalah ou Gaïd Salah ne sont pas là pour reconstruire les institutions et mettre en place un Etat de droit. Le Chef de l’état-major est entrain de démolir l’ancien régime à travers une chasse à la corruption qu’il serait difficile de ne pas lui reconnaître. 
L’armée est entrain de liquider au moins une bonne partie des bénéficiaires de la corruption. C’est une bonne chose en soi. Maintenant, il y a aussi des excès. Il y a des pressions intolérables de la part de la Justice sur certains acteurs. La détention en préventif pour port de l’emblème Amazigh est un abus flagrant.
L’arrestation des Moudjahidine à l’image de Lakhdar Bouregaâ ou même des politiques tels que Louisa Hanoune ou Ali Ghediri est incompréhensible. J’ai bien peur que la motivation ne soit purement personnelle. J’ose espérer que la Justice sera impartiale et que les véritables causes de leur emprisonnement soient connues.
 

Quelles sont les préalables, selon vous, nécessaires afin qu’il y ait un vrai climat de dialogue serein et objectif ?

La réussite du dialogue nécessite la mise en confiance de tous les partenaires. Il est vrai que pour le moment, le pouvoir parle de dialogue mais ne fait rien encore. Il a pourtant les clefs entre les mains. Tout le monde maintenant est d’accord sur le principe qu’il puisse y avoir une commission formée de personnalités reconnues et neutres pour diriger ce dialogue.
Tout le monde est également d’accord pour que ce dialogue soit centré sur la préparation des conditions de l’élection avec une commission indépendante pour la gestion du processus électoral. Il faut maintenant passer à l’action. De son côté, je pense que l’opposition doit également bien évaluer les forces en présence et la légitimité des exigences.
Il semblerait que la majorité penche pour les présidentielles. Cependant la demande d’une Constituante n’est pas dépourvue de sens. C’est pour cela qu’à Jil Jadid, nous avions proposé d’allier les deux solutions qui sont complémentaires.
Démarrer par les présidentielles (après avoir obtenu les garanties nécessaires) et passer ensuite à un processus constituant qui peut prendre beaucoup de temps. Quitte à ce que tous les candidats signent au préalable une charte s’engageant à ouvrir le débat sur une nouvelle constitution à la suite d’un renouvellement du Parlement à travers des élections anticipées.
Cela permettra d’avoir une constituante sans pour autant hypothéquer la gestion du pays. Nous aurons alors un Président, un Parlement et un Gouvernement légitimes et tout le temps qu’il faut pour aborder les sujets de fond pour construire une véritable démocratie et un Etat de droit.
 

Jil Jadid n’est pas membre de l’alternative des forces démocratiques dont font partie la majorité des partis de l’opposition. Quelles en sont les raisons ?

 Jil Jadid ne fait pas non plus partie du groupe des « forces du changement ». Par contre, nous aurions accepté d’être parmi nos amis démocrates. Nous avions même assisté à la première réunion en tant qu’observateur. Je ne sais pas pourquoi, l’invitation ne nous ait pas parvenue pour la réunion du 26. Au-delà des formes, il y avait une différence d’approche et de vision.
Lors de notre première rencontre, nous avions demandé que l’on puisse discuter sur une démarche de sortie de crise. La majorité a pensé qu’il était mieux de commencer par appeler à une rencontre élargie de tous les acteurs avant de discuter du fond. Notre expérience de ce genre d’initiative nous a appris à régler les problèmes de fond avant d’aborder la forme.
Nous n’avions pas su convaincre… pour le moment au moins.
 

Le mandat de Bensalah, chef de l’Etat par intèrim, a pris fin. Quelle est votre réaction ?

Dès le début de la crise, nous avions répété qu’il n’y avait aucune solution possible dans le cadre de la Constitution actuelle. Nous sommes maintenant en transition. Il faut trouver un consensus pour gérer cette étape et en sortir le plus vite possible.
Encore faut-il en sortir avec l’art et la manière. Autrement dit, de véritables élections qui donneront toute la légitimité au futur pouvoir.

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