Une nouvelle réunion aura lieu « le plus rapidement possible », a encore dit la présidence azerbaïdjanaise qui prévoit en outre l’envoi d’aide humanitaire, de nourriture et de carburant dans cette région sur l’avenir de laquelle environ deux heures de pourparlers ont eu lieu à Yevlakh, une ville à 295 km à l’ouest de la capitale Bakou.
Une colonne de 4X4 noirs était arrivée sur place dans la matinée, suivie d’un véhicule sur lequel flottait un drapeau russe et portant des plaques d’immatriculation de l’armée russe. Selon des images diffusées par l’agence de presse officielle azerbaïdjanaise Azertag, six hommes en costume s’étaient ensuite assis autour d’une table. Parmi eux, un représentant du Nagorny Karabakh était visible, David Melkoumian.
La veille, Hikmet Hajiev, un conseiller du président azerbaïdjanais Ilham Aliev, avait assuré que l’Azerbaïdjan avait « pour objectif la réintégration pacifique des Arméniens du Karabakh » et une « normalisation » des relations avec l’Arménie.
Aucune évacuation de masse
Au cours d’une conversation téléphonique avec son homologue azerbaïdjanais, le président russe Vladimir Poutine a demandé que « les droits et la sécurité » des Arméniens du Nagorny Karabakh – où ils sont majoritaires – soient garantis par Bakou.
Le succès militaire des Azerbaïdjanais nourrit en effet les craintes d’un départ massif des 120.000 habitants de cette enclave.
Dans l’immédiat, l’Arménie a promis qu’aucune évacuation de masse n’était prévue.
« Les décisions seront prises en fonction de la situation et des résultats des discussions », a souligné le bureau du Premier ministre Nikol Pachinian, ajoutant « ne pas avoir soulevé la question de l’évacuation » des Arméniens du Nagorny Karabakh « qui ont le droit de vivre dans leurs maisons ».
A Genève, l’Arménie, qui a qualifié de « crime contre l’humanité » l’opération militaire azerbaïdjanaise, avait plus tôt affirmé devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU qu’un « nettoyage ethnique » était « en cours ».
Plus de 10.000 personnes, dont des femmes, des enfants et des personnes âgées, ont d’ores et déjà été évacuées du Nagorny Karabakh, a fait savoir mercredi soir un responsable séparatiste.
Les soldats de la paix russes, déployés dans cette région disputée depuis la fin de la dernière guerre à l’automne 2020, ont quant à eux affirmé jeudi matin avoir pris en charge environ 5.000 d’entre elles.
Bakou dément avoir rompu le cessez-le feu
Au moment où les pourparlers ont commencé à Yevlakh, des tirs, dont l’origine n’est pour le moment pas connue, ont été entendus à Stepanakert, la capitale des séparatistes arméniens, par un correspondant de l’AFP présent sur place.
« Les forces armées azerbaïdjanaises ont utilisé différentes armes depuis les environs de Stepanakert, violant l’accord sur le cessez-le-feu » entré en vigueur mercredi, ont accusé les sécessionnistes.
Des allégations aussitôt qualifiées de « désinformation » par le ministre azerbaïdjanais de la Défense Zakir Hassanov.
Aroutioun Gasparian, un homme d’affaires de Stepanakert, a simplement évoqué un petit échange de tirs à l’extérieur de la ville.
« Nous sommes assis chez nous et attendons les résultats des négociations (à Yevlakh). Tous les habitants de la ville sont assis chez eux ou dans leur jardin, attendant », a-t-il ajouté.
Conseil de Sécurité de l’ONU
Selon le dernier bilan des séparatistes arméniens, l’offensive azerbaïdjanaise qui s’est achevée en 24 heures mercredi à la mi-journée a fait au moins 200 morts et 400 blessés.
Le ministère russe de la Défense a pour sa part annoncé que des soldats russes avaient été tués mercredi lorsque leur voiture avait été visée par des tirs.
Le président Aliev a d’ailleurs présenté jeudi « ses excuses » à M. Poutine pour ces militaires tombés au cours de l’offensive azerbaïdjanaise.
Acculés par la puissance de feu des unités azerbaïdjanaises et la décision de l’Arménie de ne pas leur venir en aide, les séparatistes ont accepté de remettre toutes leurs armes et de participer à de premiers pourparlers sur « la réintégration » à l’Azerbaïdjan du Nagorny Karabakh.
En parallèle, une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU est prévue pour l’après-midi.
Craignant que la reprise des hostilités ne déstabilise tout le Caucase, les Occidentaux et la Russie, pour laquelle il s’agit d’une « affaire intérieure » de l’Azerbaïdjan, avaient appelé dès mardi à un arrêt immédiat des combats.
Les autorités azerbaïdjanaises avaient déclenché ce jour-là leur opération « antiterroriste » à la suite de la mort de six personnes dans l’explosion de mines posées, ont-elles affirmé, par des « saboteurs » arméniens.
Pachinian sous pression, Aliev renforcé
La capitulation des séparatistes a fait monter la pression sur le Premier ministre arménien, critiqué pour ne pas les avoir aidés.
Au lendemain de heurts devant le siège du gouvernement, des milliers de manifestants hostiles à sa politique se sont de nouveau rassemblés mercredi soir et des incidents ont éclaté avec la police.
Nikol Pachinian « doit partir, il ne peut pas diriger le pays », a déclaré l’un d’eux, Sarguis Hayats, un musicien de vingt ans.
Jeudi, le Premier ministre a exhorté les Arméniens à emprunter « le chemin » de la paix, même s’il n’est « pas facile ».
Usant de la manne pétrolière pour renforcer son armée, le président azerbaïdjanais est de son côté en passe de réussir son pari de reprendre le contrôle du Nagorny Karabakh, qui a été le théâtre de deux guerres entre les anciennes républiques soviétiques du Caucase que sont l’Azerbaïdjan et l’Arménie : l’une de 1988 à 1994 (30.000 morts) et l’autre à l’automne 2020 (6.500 morts).
Vingt-quatre heures après le déclenchement de son assaut, l’Azerbaïdjan a « rétabli sa souveraineté » sur ce territoire, s’était félicité mercredi Ilham Aliev.
Tandis que le chef de l’Etat turc, Recep Tayyip Erdogan, réaffirmait le lendemain le « soutien sans réserve » d’Ankara à Bakou au cours d’un entretien téléphonique avec son homologue azerbaïdjanais.
Cette victoire « va assurément augmenter la popularité d’Ilham Aliev », au pouvoir depuis vingt ans, a relevé Chahin Hajiev, un expert azerbaïdjanais indépendant.