Présidentielle : l’Iran a voté, résultats attendus samedi

Les Iraniens ont voté vendredi pour désigner un nouveau président à l’occasion d’une élection annoncée gagnée d’avance pour l’ultra conservateur Ebrahim Raïssi sur fond de grogne face à la grave crise économique et sociale qui ronge le pays.

Les opérations de vote ont été étendues considérablement pour permettre une participation maximale dans de bonnes conditions pour les 59,3 millions d’électeurs de la République islamique compte tenu de la pandémie de Covid-19 qui frappe durement le pays.

Le scrutin a été clos officiellement à 2h00 dans la nuit de vendredi à samedi (21h30 GMT vendredi). Chef de l’Autorité judiciaire, M. Raïssi, 60 ans, fait figure d’archifavori, faute de concurrence réelle après la disqualification de ses principaux adversaires. Mais depuis 1997, la présidentielle iranienne a réservé régulièrement des surprises.

En sera-t-il de même cette année ? Les résultats qui pourraient être connus dès samedi à la mi-journée le diront. L’annonce d’un second tour le 25 juin serait assurément un coup de théâtre tant les rares sondages disponibles donnaient M. Raïssi vainqueur dès le premier tour.

« Garder le silence »

Ces même sondages laissaient entrevoir un record d’abstention, autour de 60%. Selon l’agence Fars, proche des ultraconservateurs, la participation pourrait néanmoins dépasser la barre fatidique de 50%.

La campagne électorale a été fade, sur fond de ras-le-bol général face à la crise, dans un pays riche en hydrocarbures mais soumis à des sanctions américaines asphyxiantes.

Se présentant comme le champion de la lutte anticorruption et le défenseur des classes populaires au pouvoir d’achat miné par l’inflation, M. Raïssi est le seul des quatre candidats en lice a avoir véritablement mené campagne.

« J’espère qu’il saura épargner à la population les privations », a confié à l’AFP une de ses électrices à Téhéran, une infirmière drapée dans un tchador noir.

Zahra Farahani, femme au foyer, a elle aussi choisi M. Raïssi, dont dit apprécier « la performance à la tête de la Justice ». Menuisier, Hossein Ahmadi fait, lui, partie de ces déçus qui accusent les autorités de n’avoir « rien fait » pour le pays.

« Nous n’avons d’autre choix que de garder le silence et de rester à la maison en espérant ainsi faire entendre nos voix », a-t-il dit à l’AFP.

Saïd Zarii, commerçant, s’est aussi abstenu. « Que je vote ou non », a-t-il dit à l’AFP, « quelqu’un a déjà été élu : ils organisent les élections pour les médias.

 » En 2017, le président Hassan Rohani, un modéré prônant une politique d’ouverture avec l’Ouest et plus de libertés individuelles, avait été réélu au premier tour. La participation s’était montée à 73%. Mais l’espoir qu’il incarnait a fait place à la désillusion.

« Péché »

Face à des appels au boycottage lancés par l’opposition en exil, et par quelques dissidents en Iran, le guide suprême Ali Khamenei a multiplié les appels à participer en masse au scrutin.

« Les élections sont importantes quoi qu’il arrive, et malgré les problèmes, nous devons aller voter », a déclaré M. Rohani vendredi en faisant référence à l’interdiction faite à plusieurs poids lourds de se présenter face à M. Raïssi.

Le plus célèbre de ces recalés, l’ancien président Mahmoud Ahmadinejad, a publié vendredi un message vidéo dénonçant une élection organisée « contre les intérêts du pays ». « Je ne veux pas participer à ce péché », a-t-il déclaré.

Outre M. Raïssi, qui avait obtenu 38% des voix face à M. Rohani en 2017, trois candidats sont en lice: un député peu connu, Amirhossein Ghazizadeh-Hachémi, un ex-commandant en chef des Gardiens de la Révolution, le général Mohsen Rézaï, et un technocrate, Abdolnasser Hemmati, ex-président de la Banque centrale.

Le président a des prérogatives limitées en Iran, où l’essentiel du pouvoir est aux mains du guide suprême. Le bilan de M. Rohani, qui doit quitter le pouvoir en août, est entaché par l’échec de sa politique d’ouverture après le retrait des Etats-Unis, en 2018, de l’accord sur le nucléaire iranien conclu avec les grandes puissances.

Priorité à l’économie

Ce retrait et le rétablissement de sanctions américaines punitives qui a suivi ont plongé le pays dans une violente récession en privant notamment le gouvernement de ses recettes pétrolières à l’exportation. En décembre et janvier 2017-2018 et en novembre 2019, deux vagues de contestation ont été violemment réprimées.

Pour l’opposition en exil et des défenseurs des droits humains, M. Raïssi est l’incarnation de la répression et son nom associé aux exécutions massives de détenus de gauche en 1988, drame dans lequel l’intéressé nie toute participation.

Le prochain président devra s’atteler à redresser l’économie. Sur ce point, les candidats sont d’accord: la solution passe par la levée des sanctions américaines, objet de négociations pour sauver l’accord de Vienne en y réintégrant les Etats-Unis.

AD-300-X-250