Nations Unies : Clément Voule plaide pour une « grâce » pour les détenus d’opinion  

Le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association, Clément Nyaletsossi Voule, a mis l’accent, lors de sa conférence de presse tenue, aujourd’hui, mardi 26 septembre 2023, sur le fait que l’espace public est codifié par des lois « restrictives », qui ne sont pas « conformes » à la constitution qui, elle, est « progressiste ». Celui-ci a particulièrement évoqué l’article 87 bis du code pénal « dans lequel tout peut être mis », a-t-il estimé. Il a d’ailleurs recommandé son abrogation. Il a, dans le même sens, préconisé aux autorités de prononcer une « grâce » à l’encontre des détenus d’opinion. 
© DR | Le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association, Clément Nyaletsossi Voule, lors de la conférence de presse qu'il a tenu à Alger ce mardi 26 septembre 2023

Le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, Clément Nyaletsossi Voule, a tenue aujourd’hui une conférence de presse, à l’occasion du dernier jour de sa visite de dix jours, effectuée en Algérie.

Donnant un aperçu sur son appréciation de la situation du droit et de la liberté de réunion en Algérie, celui-ci a évoqué les « lois restrictives » qui sont, d’après lui, « non-conformes » à la constitution de 2020 qui est, a-t-il ajouté, « progressiste ».

« Le gouvernement doit assouplir les restrictions strictes imposées aux rassemblements et aux associations afin de mettre les lois et les pratiques en conformité avec la Constitution nationale et le droit international relatif aux droits humains », a-t-il déclaré.

« Le gouvernement doit maintenant s’attaquer au climat de peur provoqué par une série d’inculpations pénales à l’encontre d’individus, d’associations, de syndicats et de partis politiques en vertu de lois excessivement restrictives, y compris une loi antiterroriste contraire aux obligations internationales de l’Algérie en matière de droits humains, » a ajouté le Rapporteur spécial dans la déclaration lue durant la conférence.

A ce titre, a-t-il précisé, « dans le cadre de la construction d’une Algérie nouvelle, j’exhorte le gouvernement à abandonner les poursuites et à gracier les personnes condamnées pour leur implication dans le Hirak ». « Cela traduira également la reconnaissance du Hirak comme un tournant dans l’engagement de l’Algérie à aller de l’avant, » a-t-il enchaîné.

C’est dans cet esprit-là que celui-ci a tenu à rappeler le « contexte » de l’arrivée de la nouvelle constitution. « En 2019, les algériens ont manifesté massivement, dans le Hirak, pour la liberté et l’état de droit », a-t-il dit, ajoutant que ce sont là des « aspirations légitimes et obligation de tout état ». Il s’est félicité d’ailleurs que le Hirak soit porté dans la constitution. « Le tournant qu’a constitué le Hirak doit être une opportunité », a-t-il estimé.

Or, a-t-il fait remarquer, la vie publique est toujours codifiée par des lois « restrictives ».

Clément Nyaletsossi Voule a rappelé, à cet effet, que la constitution du pays stipule que « les lois doivent être mises en conformité avec la loi fondamentale dans un délai raisonnable ». « Trois ans, c’est un délai raisonnable », a-t-il conclut.

« Pour tenir les promesses de la Constitution et du Hirak, et pour remplir ses obligations en vertu des traités internationaux relatifs aux droits humains, l’Algérie doit garantir, en droit et en pratique, les droits de sa population de se réunir et de s’associer librement, d’échanger des points de vue et des idées et de défendre des intérêts spécifiques, y compris en collaboration avec des partenaires à l’intérieur et à l’extérieur du pays », a-t-il déclaré.

« On peut tout mettre dans l’article 87 bis »

Dans le même ordre, celui-ci a particulièrement mis l’accent sur l’article 87 bis du code pénal, relatif au terrorisme. « Un article dans lequel on peut tous mettre », a-t-il indiqué, avant d’affirmer qu’il avait préconisé au gouvernement algérien son « abrogation ». « Une loi doit être claire », a-t-il ajouté. « Je comprends les préoccupations relatives à la sécurité publique. Mais cela ne doit pas annihiler les libertés. Il faut trouver un équilibre », a-t-il déclaré. « Dans cet esprit de construire une nouvelle Algérie, il faut enlever les dispositions qui favorisent l’autocensure », a estimé le Rapporteur Spécial.

En somme, Clément Nyaletsossi Voule a affirmé qu’il avait évoqué, avec les autorités algériennes, les cas des associations ou partis politiques, dissous ou dont les activités sont gelées, tout comme la question relative aux « charges » retenues contre des détenus d’opinion. « La dissolution de la LADDH a soulevé beaucoup de problèmes », dira-t-il à ce propos.

A cet effet, celui-ci a déclaré que bien qu’il ait pu constater « les efforts entrepris pour améliorer la situation économique de la population, l’Algérie a encore du mal à créer un espace pour la société civile ». « Un espace civique qui inclut également les voix critiques est essentiel pour améliorer la gouvernance et l’élaboration des politiques publiques, et pour construire une démocratie participative durable et inclusive », a-t-il ajouté. « Un journaliste ne devrait pas se retrouver en prison pour un post sur un site web », a-t-il cité comme exemple.

En dernier lieu, après avoir précisé qu’il s’était déplacé en Algérie sur « invitation » des autorités algériennes, le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, a indiqué qu’il avait trouvé en face de lui des responsables « attentifs ». Est-ce que ses recommandations seront prises en compte ? « Jugeons sur pièce », semble-t-il dire. Clément Nyaletsossi Voule a indiqué que le processus va se poursuivre. Le rapport sur la situation en Algérie doit être remis en juin 2024. « D’ici là, les échanges continueront », a-t-il déclaré.

 

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